Grand’messe politico-sécuritaire à Lubumbashi : Joseph Kabila remet les Katangais au pas !

Publié le par citaf

L’année démarre très fort pour Joseph Kabila. En quelque 20 jours seulement, le président de la République s’est adressé trois fois à l’ensemble du peuple congolais. D’abord le 15 décembre dernier, devant le Congrès, face à tous les Corps constitués et les forces vives de la République, dans le cadre de son discours sur l’état de la Nation. Ensuite, le 31 décembre, à l’occasion de son message de vœux du nouvel an 2015 au peuple congolais. Enfin, dernièrement, le 5 janvier 2015, à Lubumbashi, au travers d’une rencontre avec les notables du Katanga. A Lubumbashi, Joseph Kabila se devait de mettre les choses au point, après les turbulences survenues sur la fin du mois de décembre 2014 et qui ont fait dire à certains analystes que si l’on n’y prêtait pas l’attention voulue, le Katanga s’ouvrait à une sorte d’anti kabilisme rampant. Mais d’abord, comment expliquer ce qui est arrivé ? Il semble en effet surprenant aux yeux de tout observateur avisé que le président ait fait coïncider son arrivée à Lubumbashi ,pour les festivités de fin d’année, avec le jour même du retour du gouverneur Moïse Katumbi de son exil sanitaire en Europe. Sauf à vivre dans une bulle, les services de sécurité et du protocole devaient savoir qu’une telle coïncidence d’événements allait créer un télescopage fort risqué. Et la suite est connue. Le retour de Moïse a totalement éclipsé la présence du chef de l’Etat sur le sol lushois. De sorte que le cortège présidentiel s’est trouvé complètement banalisé par les Lushois. Et c’est bien ce crime de lèse majesté qui a mis le pouvoir à cran. Raison pour laquelle, tous les responsables des services provinciaux de police et de sécurité de Lubumbashi ont été convoqués à Kinshasa pour y être interpellés. Voilà donc pourquoi le président était obligé d’engager des initiatives fortes pour reprendre l’initiative et l’avantage dans l’opinion du Katanga. D’où l’organisation d’une rencontre improvisée avec les notables de Lubumbashi, suivie d’une autre série de contacts avec les forces représentatives du Katanga, notamment les chefs coutumiers. Sans oublier certaines opérations de charme engagées , à l’instar de ce grand dîner offert aux délégués des forces vives et de la jeunesse de Lubumbashi. Remettre les pendules à l’heure Il faudrait ne pas avoir le sens des réalités pour croire que la rencontre du chef de l’Etat avec les notables était purement fortuite. Au contraire, cette réunion avait une forte teneur politique eu égard à l’état d’esprit créé au Katanga par la clameur publique ayant salué le retour de Moïse et tout ce qui s’est dit autour, avec cette métaphore assassine des 3 faux penalties. Habilement, le président a voulu montrer que la tempête du retour de Moïse ne pouvait pas l’atteindre. On se rappelle encore cette phrase de Mobutu : ’’L’aigle vole tellement haut que la bave du crapaud ne peut l’atteindre’’. Joseph Kabila n’a pas dit autre chose, lorsqu’il déclare aux notables du Katanga : ‘’ " Je ne suis pas venu pour polémiquer, ni pour répliquer à qui que ce soit"…. Je ne suis pas un gouverneur, je suis le président de la République Démocratique du Congo’’. Dans cette optique de remettre chacun à sa place, de faire savoir que c’est lui le chef, qu’il a le pouvoir de sanctionner, que c’est lui qui tient le sort des uns et des autres entre ses mains, Joseph Kabila a fait une déclaration lourde de menaces :’’l’Etat doit être renforcé dans cette province’’. D’autre part, le chef de l’Etat a ouvertement démystifié celui qui passe pour ‘’ le baba ya Katanga’’. Il a mis en exergue le dysfonctionnement de l’Assemblée provinciale du Katanga que les accointances avec le gouvernorat ont fini par incapacité dans son rôle de contrôle de l’Exécutif provincial. A Lubumbashi Kyungu wa Kumwanza ne fait pas mystère de la complicité qui le lie à Moïse Katumbi. Et le jour du mémorable retour du gouverneur Kyungu a affiché un comportement si exalté qu’il s’est laissé aller comme à son habitude à des frasques inadmissibles et à des excès de langage inacceptables. Aujourd’hui, ce président de l’Assemblée provinciale s’est mis dans l’œil du cyclone. Or ce même Kyungu est le porte-étendard de tous ceux qui s’opposent au découpage territorial du Katanga. Le président de l’Assemblée provinciale du Katanga a toujours considéré que le Katanga n’est pas encore prêt pour le découpage territorial. Pour Gabriel Kyungu wa Kumwanza, le développement du Katanga dépend de son unité. Certains territoires étant plus pauvres que d’autres, le découpage ne ferait qu’accentuer cette situation, soutient-il. Là encore, Joseph Kabila ne l’a pas raté et a tenu à lever le défi. Faisant d’abord remarquer le ridicule dans le chef d’une Assemblée provinciale qui n’a jamais initié un quelconque débat sur la question, Joseph Kabila a réaffirmé sa détermination de poursuivre le processus de la décentralisation en RDC, enjoignant à ceux qui ne sont pas pour ‘’cette réorganisation territoriale et administrative du pays, qu’abusivement l’on appelle découpage territorial, de cesser de vouloir imposer leur volonté à l’ensemble de la République’’. Au demeurant, a rappelé le chef de l’Etat, garant du respect de la Constitution, la nouvelle configuration des provinces est une disposition constitutionnelle. La décentralisation n’a pas commencé avec Kabila. En outre, ces réformes ont été votées par le peuple voie de referendum. Le président a demandé à ceux qui sont contre ce découpage quelle action ils ont mené pour la contourner et au nom de qui ils s’exprimaient, vu qu’ils n’ont jamais consulté la base par exemple par la récolte de signatures dans le cadre d’une pétition. Joseph Kabila a tranché, en affirmant que ceux qui sont contre ce processus n’ont pas raison. Il a demandé à ceux qui, par leurs attitudes, veulent diviser nos populations de cesser ces agissements. Evoquant la perspective 2016, qui cristallise désormais les débats au Katanga, après que Moïse a donné à comprendre que personne n’acceptera plus ‘’un troisième faux pénalty’’ en faveur de Kabila, le président a eu mots pour mots, le même propos que débitent les communicateurs de la Majorité Présidentielle : « J’ai un grand travail à faire. C’est ça mon état d’esprit. Celui qui voudra savoir ce qui se passera en 2016, prenons rendez-vous en 2016. J’ai un mandat au bout duquel il me sera demandé de dire ce que j’en aurai fait. Je ne dirai pas qu’il y avait la distraction de 2016», a déclaré Joseph Kabila, qui s’est par ailleurs demandé pourquoi les gens se focalisent plus sur la Présidence de la République, ignorant que le Sénat et les Assemblées provinciales fonctionnent hors mandat. Mais, Joseph a fait part de sa conviction : "La vraie bataille aujourd’hui, ce n’est pas 2016, mais c’est lutter contre la misère"… «Il y a ceux qui pensent qu’en 2016, il y aura une hécatombe, tout va brûler. Non, il n’y aura rien en 20016 comme il n’y avait rien en 2011… Là encore, Joseph Kabila embraye sur la communication habituelle de sa Majorité. Depuis les événements du Burkina, les communicateurs de la Majorité Présidentielle passent leur temps à prédire qu’il n’y aura pas de syndrome Burkinabè en RDC. Parce que les réalités ne sont pas identiques. Comme pour dire le peuple congolais est un peuple entièrement à part ! En tout état de cause, pour Kabila, tout se qui se raconte autour de 2016 relève d’une distraction. ‘’Mais, le moment venu, le Christ viendra’’, a-t-il lancé, parlant lui aussi par métaphore, comme l’avait fait quelques jours plus tôt celui à qui il ne voulait pas répliquer. Les désaccords persistent Rien ne permet encore de dire si oui ou non le président de la République a réussi à inverser complètement la tendance au sein de l’opinion dans le Katanga. D’ores et déjà, l’on peut noter que bien que présents dans la ville de Lubumbashi, ni Moïse Katumbi ni Kyungu n’ont cru nécessaire d’honorer le chef de l’Etat de leur présence à sa rencontre avec les notables du Katanga, parmi lesquels les députés et sénateurs originaires de la province. Moïse Katumbi aurait justifié son absence par sa convalescence. L’on prétend même qu’il en aurait fait part au vice-Premier ministre et ministre de l’Intérieur, Evariste Boshab. Mais Kyungu , quelle justification donne-t-on à son absence ? Entre-temps, l’on signale une atmosphère pesante à Lubumbashi où il ne ferait plus bon arborer des signes extérieurs de son appartenance à la mouvance Katumbi. Des agents zélés des services feraient la chasse aux sorcières. C’est sans doute la raison pour laquelle, le président du parti Solidarité Congolaise pour la Démocratie et le Développement (Scode), Jean-Claude Muyambo, demande que cessent les intimidations et menaces contre ceux qui s’opposent à la révision constitutionnelle ? Dans une communication faite le 8 janvier, son parti prône « l’alternance politique en 2016» en RDC. «Nous restons trop préoccupés par les conditions difficiles dans lesquelles les populations congolaises vivent, en dépit de toutes les promesses faites par le pouvoir en place. Des intimidations, des menaces, des actions de représailles sont dirigées contre ceux qui s’opposent à la révision constitutionnelle», a dénonce le président de la Scode. Par ailleurs, cet ancien membre de la Majorité présidentielle demande à la Ceni de publier le calendrier électoral global, alors qu’il n’a jusque là été publié que le calendrier des élections municipales, urbaines et locales prévues pour cette année. Il rejette également le recensement : «Nous estimons que l’Onip [Office national d’identification de la population, NDLR] est une distraction. Nous voulons qu’il y ait l’alternance en 2016 et qu’on arrête avec les actes d’intimidations, des menaces ça ne sert absolument à rien». A Kinshasa, alors que l’Assemblée nationale examine et vote des articles de la loi fixant les limites de nouvelles provinces de la RDC, les débats inter Katangais ont plombé le travail de la plénière.. On le sait, la Constitution prévoit que le Katanga soit subdivisé en trois provinces, le Haut Lomami, le Lualaba et le Haut Katanga. Deux provinces, le Haut Lomami et le Lualaba se disputent la ville de Kolwezi. Certains députés soutenaient que la ville soit divisée en trois de manière à ce que chacune des trois provinces en bénéficie. Pour éviter de mettre de l’huile sur le feu, plusieurs leaders du Katanga ont suggéré une solution extrême : soustraire le Katanga au découpage. En vue de préserver la paix et baisser les tensions entre les députés, le président de l’Assemblée nationale, Aubin Minaku, avait dû surseoir au vote des articles à problèmes, le temps d’organiser une rencontre avec les élus du Katanga pour dégager un consensus. Toutes ces discussions sont symptomatiques des tensions qui agitent le Katanga. Le dernier séjour du chef de l’Etat et du vice Premier ministre aura-t-il pu ramener la sérénité dans les esprits ? Rien n’est moins sûr. Des sources croient même savoir que le pouvoir aurait fait pression sur Moïse de démissionner avant de subir l’humiliation d’une révocation. Mais qu’une autre voie de sortie aurait été trouvée : Moïse profiterait de la nécessité à aller revoir ses médecins en Europe pour déposer une mise en disponibilité qui l’amènerait à quitter en douce ses fonctions de gouverneur. Quoi qu’il en soit, Moïse aurait bien du mal à exercer ses tâches de gouverneur en étant ostracisé par Kinshasa ou en s’isolant lui-même de Kinshasa. Ce serait mission impossible. De là à dire que Moïse Katumbi serait sur une chaise éjectable ! L’Opposition maintient la pression Pendant que la Majorité se déchire avec ses problèmes internes, l’opposition ne lâche pas la pression. Jeudi, réunis en conclave au Palais du peuple à Kinshasa, les députés de l’opposition ont dit «non» à l’examen du projet de loi modifiant la loi électorale, principale matière de la session extraordinaire en cours. «Cette loi vise en réalité un seul objectif, c’est de pouvoir prolonger le mandat du président de la République et [celui] des députés nationaux en subordonnant, comme ils pensent le faire, l’organisation des élections au recensement de l’Onip (Office national d’identification de la population). On a supprimé la référence à l’enrôlement et l’identification des électeurs», argumente Hon. Delly Sessanga, président de l’ENVOL, un parti de l’opposition.. L’opposition relève que l’article 8 de ce projet de loi stipule que ‘’trente jours au plus tard avant la campagne électorale, la Commission électorale nationale indépendante publie la liste définitive des électeurs par centre de vote avec indication du bureau de vote’’. Or, ladite liste électorale «doit être actualisée en tenant compte de l’évolution des données démographiques et de l’identification de la population.»Pour l’opposition donc, «faire les élections après une série d’opérations qui sont tributaires des données démographiques actualisées, cela veut dire qu’il faut attendre que l’Onip ait fini son travail.» Voilà pourquoi l’opposition a décidé de rejeter la perspective même d’un débat sur la révision de l’actuelle loi électorale et de boycotter les plénières qui auraient ce point à l’ordre du jour. Pour rappel, le projet de loi portant modification de la loi électorale a été déposé lundi 5 janvier à l’Assemblée nationale par le vice -Premier ministre chargé de l’Intérieur, Evariste Boshab. Motif : améliorer l’organisation des élections présidentielles, législatives, sénatoriales, provinciales, municipales et locales en RDC, en prenant en compte les imperfections mises en lumière lors des évaluations des élections de 2011. Les parlementaires de l’opposition n’en croient rien du tout et en appellent au soutien du peuple congolais et de la communauté internationale pour empêcher toute supercherie. Ils exhortent «les partenaires au développement du Congo d’aider le peuple congolais à sauver la démocratie dans ce pays, parce qu’elle commence véritablement à être menacée.» De son côté, Minaku rassure : «Ce projet de loi ne concerne pas du tout une quelconque révision constitutionnelle. Il a pour avantage entre autres de renforcer le rôle du Ministère public dans la gestion des contentieux électoraux ». On le voit donc, la grand’messe que le président Kabila vient d’officier à Lubumbashi permet de lever certaines équivoques. Beaucoup étaient naïvement enclins à penser que le président Kabila était à tenir loin en dehors des agitations de tous ces ténors de la Majorité et autres communicateurs qui prennent position pour promouvoir l’idée de la révision constitutionnelle devant permettre au président Kabila de s’octroyer un troisième mandat après 2016. D’aucuns mettaient les sorties médiatiques des communicateurs de la Majorité que sont l’ambassadeur André Atundu Liongo, le conseiller Kabila, le bouillant India Omari et autres Tshamala sur le compte d’un excès de zèle, de la part d’hommes voulant être plus royalistes que le roi. Que non donc ! La gestion des tribulations de Lubumbashi vient de donner à comprendre à tout le monde que c’est Joseph Kabila lui-même qui est à la manœuvre, c’est lui qui marque le tempo pour tout ce qui se concocte au sein des structures de la Majorité présidentielle ou parlementaire. Le leitmotiv du président est clair : Son avenir politique après 2016 ne s’écrira pas sans lui, et en tous les cas, pas contre lui. Citaf
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