Assemblée Nationale: Forte tension entre le Bureau et l’Opposition

Publié le par cité africaine

Une vive tension s’est installée au sein de l’Assemblée Nationale depuis la semaine dernière entre le Bureau de la chambre basse et les députés de l’opposition, à la suite de l’annonce par le Président du Bureau Aubin Minaku de l’autorisation accordée au Procureur Général de la République d’instruire le dossier qui oppose le ministère public à trois députés de l’opposition, notamment Samy Badibanga, Muhido Nzangi et Fabien Mutomb, poursuivis pour « faux et usage des faux ». Cette autorisation accordée au Pgr renvoie à une collecte des informations et non à une levée de l’immunité parlementaire des députés concernés, avait tenu à préciser Aubin Minaku, lors de la conférence des présidents vendredi de la semaine dernière.

Dans une déclaration à la presse en début de semaine, son Directeur de cabinet Pierre Lihau, précisait de son côté que dans cette affaire, l’Assemblée nationale »tient au respect de la procédure en la matière, mais en même temps, il ne peut obstruer une action judiciaire ». Et pour l’opposition c’est justement là que le bât blesse. Pour ceux qui ne le savent pas, cette affaire remonte à l’année dernière, avec une plainte déposée à l’office du Procureur Général de la République par le député national de l’opposition Tutu Yala, accusant ces trois collègues, initiateurs d’une motion contre le Bureau de l’Assemblée nationale, d’avoir placé à son insu, son nom au bas de ce document et signé à sa place. Comme tout le monde le sait, ladite motion n’avait pas survécu, ayant été déclarée irrecevable.

Mais voilà que le 10 décembre 2015, le Président Aubin Minaku annonça au cours d’une plénière que son Bureau venait de réceptionner une demande de levée d’immunité à l’encontre des trois députés de la part du Pgr. Mais le Président Minaku en garant de l’intégrité de ses collègues, avait vite tenu à rassurer la plénière sur le sort qu’il comptait réserver à la requête du Pgr. « Nous avons reçu avant ce réquisitoire, trois autres réquisitoires, et nous avons fait comprendre au Pgr que c’était suranné. Pour divers motifs, c’était des réquisitoires caducs », avait annoncé alors avec force le speaker de la Chambre basse devant des députés enthousiastes, qui partirent quelques jours plus tard en vacances parlementaires, le cœur léger.

Deux poids deux mesures ?

Et voici qu’une semaine à peine après la rentrée parlementaire de mars, le ciel tombe sur la tête des trois parlementaires qui se croyaient protégés dans leurs immunités. Pourquoi leur Président a-t-il changé d’avis ?, se demandent les députés de l’opposition. Mais surtout, pourquoi Aubin Minaku a laissé les mains libres au Pgr pendant que l’Assemblée était en vacances ? Ou encore, pourquoi une telle décision prise de manière unilatérale, alors que la motion de défiance incriminée le visait personnellement ? En tout cas à l’opposition, on est désormais persuadé que le Président du Bureau de l’Assemblée a agi dans le cadre d’une vengeance personnelle, et qu’il a toujours été le véritable tireur des ficelles dans le développement de ce dossier.

Pour preuve disent-ils, le Président Aubin Minaku a jusque-là été toujours partisan du règlement des problèmes internes au sein de l’enceinte même de l’Assemblée. Mieux, des précédents plus graves que le cas d’une simple contestation de signature, ont été tranchés par les députés eux-mêmes en interne, sans un recours devant des instances judiciaires. C’est notamment le cas du grave conflit survenu l’année dernière entre le député Venant Tshipasa et un autre député de la même circonscription du Nord-Kivu où on fit état de menaces de mort de part et d’autre. Au cours d’une plénière, les députés eurent à auditionner même les procès-verbaux dressés à cet effet par les services de sécurité et qui mettaient formellement en cause un des protagonistes de cette affaire. Mais le Président Minaku chargea un autre député Henri Thomas Lokondo de faire la médiation entre les deux frères ennemis, et refusa catégoriquement de transmettre ce dossier à la justice, affirmant devant la plénière que les loups ne se mangent pas entre eux, et que désormais tout problème qui surgirait entre élus, devrait trouver une solution au sein même de l’Assemblée.

Que sont devenues aujourd’hui toutes ces bonnes résolutions ? A la Chambre basse du parlement congolais, tous les observateurs savent que la contestation des signatures par certains députés est devenu un exercice qui, certaines fois, peut se révéler fort rentable. Certains élus du peuple particulièrement futés, et qui certainement mangent à tous les râteliers, apposent des signatures trafiquées sur des textes qu’on leur soumet, et la contestent au moment opportun, moyennant gratification. D’autres sont plus cynique : ils signent réellement, et quand vient le moment de passer le texte aux voix, ils se rétractent, consacrant ainsi un vice de procédure qui leur rapporte bien entendu, des avantages trébuchants.

Dans un récent passé, le Bureau de l’Assemblée nationale a souvent fait recours à ce stratagème imparable pour sauver des ministres du Gouvernement comme Evariste Boshab de l’Intérieur, ou l’ancien ministre de la Défense Ngoy Mukena. Le seul ministre pour lequel cette thérapie n’a pas été appliquée est sans doute celui des Transports et Voies de Communications pour des raisons faciles à deviner, mais qui avait su se tirer d’affaires en s’inventant nuitamment une urgence médicale, la veille même de la clôture de la session.

Aujourd’hui, la plainte du député Tutu Yala porte sur la contestation d’une signature qui aurait été imitée, mais a-t-on pensé à consulter un graphologue pour s’assurer de la véracité de ses allégations, au sein d’un hémicycle où certaines pratiques, malheureusement devenues courantes, s’apparenteraient plus de Al Capone que des traditions parlementaires ?

LOLO LUASU B.

Publié dans citaf

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