La Cour Constitutionnelle confirme : Kabila Wumela !

Publié le par cité africaine

La décision de la Cour constitutionnelle est tombée mercredi 11 mai : le président Joseph Kabila pourra rester en fonctions après 2016 jusqu’à l’élection de son successeur, si la présidentielle ne se tient pas cette année. Le scrutin prévu pour le mois de novembre a toutes les chances d’être reporté en raison de problèmes logistiques et budgétaires et du temps que doit prendre la révision du fichier électoral pour y intégrer notamment les nouveaux majeurs et les Congolais de la Diaspora et pour désinscrire les morts .

La Cour Constitutionnelle répondait à une requête en interprétation déposée par près de 200 députés de la majorité, alors que la perspective de la tenue du scrutin en 2016 s'éloigne chaque jour davantage.

« Suivant le principe de la continuité de l'Etat et pour éviter le vide à la tête de l'Etat, le président actuel reste en fonctions jusqu'à l'installation du nouveau président élu », indique cet arrêt basé sur l’article 70 de la Constitution et lu par le président de la Cour constitutionnelle, Benoît Luamba.

« C’est la population qui a gagné parce qu’il n’y aura plus de débat tout est clair. On sait que les institutions seront remplacées par d’autres institutions élues », commente Emmanuel Ramazani Shadary, secrétaire général adjoint du PPRD, qui poursuit : « Il fallait que la Cour se prononce. Comme c’est prévu par le Constitution, elle a fait son travail. Aujourd’hui, tout est maintenant en ordre, il n’y aura plus de problème, cela concourt à la paix, à la sérénité et à la stabilité des institutions. Il n’y aura pas de vide juridique à l’Assemblée, au Sénat et au niveau de la présidence. »

Pour sa part, un des ténors de l’opposition, Vital Kamerhe fulmine : « La Cour constitutionnelle dans la loi qui l’institue ne lui donne pas la mission de réviser la Constitution. Elle vient de réviser la Constitution, réécrire un nouvel article qui ne se trouve pas dans la Constitution. C’est très grave, c’est un acte de haute trahison ».

Le président de l’Union pour la nation congolaise (UNC) ajoute qu’il s’agit d’un « référendum déguisé ».

Voir le texte de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, ci-dessous).

CITAF

ARRET R. CONST.262 DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE

EN CAUSE : REQUERTE DES DEPUTES NATIONAUX…… SOIT,

Soit au total deux cent soixante-seize députés nationaux, représentant plus de la moitié des membres de l’Assemblée nationale, sollicitent l’interprétation de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution, en combinaison, d’une part, avec ses articles 103, 105 et 197, et d’autre part, avec les articles 75 et 76 de la même Constitution.

Examinant sa compétence, la Cour constitutionnelle relève des dispositions combinées des articles 161 alinéa 1 de la Constitution, 54 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant son organisation et son fonctionnement, ainsi que de l’article 51 de son Règlement intérieur qu’elle connait des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des gouverneurs de province et des présidents des Assemblées provinciales.

Elle se déclarera, dès lors, compétente pour connaître de la requête sous examen, qu’elle juge par ailleurs recevable, car signée, en leurs noms personnels, par plus de la moitié des cinq cents membres de l’Assemblée nationale.

Pour justifier l’interprétation sollicitée, les requérants expliquent que deux opinions s’affrontent autour des conséquences devant découler de la fin du mandat du Président de la République, au cas où l’élection de son remplaçant n’est pas organisée dans le délai fixé par la Constitution.

Pour les uns, le Président de la République, arrivé à la fin de son mandat, doit demeurer en fonction en attendant l’installation effective de son successeur élu, laquelle est matérialisée par la prestation de serment et la prise de ses fonctions, et ce même au cas où l’élection présidentielle aurait lieu au-delà du délai fixé par la Constitution.

Pour les autres, la fin du mandat non suivie de l’installation effective du nouveau Président de la République élu crée la vacance de la Présidence de la République, conformément aux articles 75 et 76 de la Constitution, auquel cas la fonction de Président de la République est assurée par le Président du Sénat.

Selon les tenants de la première opinion, dont relèvent les requérants, l’interprétation à donner à l’article 70 alinéa 2 susvisé est, mutatis mutandis celle des articles 103 pour les députés nationaux, 105 pour les sénateurs et 197 alinéas 1 à 6 de la Constitution pour les députés provinciaux, toutes ces dispositions ayant pour finalité, dans l’esprit du constituant, d’assurer, de manière exceptionnelle, la stabilité et la continuité des institutions, en évitant un vide juridique en cas de non-organisation des élections en temps voulu.

Et de conclure, que si la volonté du constituant était de faire valoir le principe de la vacance du pouvoir à la tête de l’institution Président de la République dans pareilles conditions, il l’aurait expressément proclamé, à l’instar de l’article 134.1 de la Constitution haïtienne du 29 mars 1987 telle que révisée à ce jour.

A l’appui de la requête, sont produits au dossier de la cause, entre autres pièces à conviction, une liste nominative signée par deux cent soixante-seize députés nationaux, un acte de notification à l’Assemblée nationale le 03 mai 2014, l’arrêt RE 008 du 27 avril 2012 de la Cour suprême de justice, faisant office de Cour constitutionnelle, relatif à la proclamation des résultats définitifs des élections législatives du 28 novembre 2011, divers procès-verbaux de séances plénières de l’Assemblée nationale, des listes de présences à ces séances, des listes des députés nationaux dont les mandats ont été validés, des photocopies des « cartes de légitimation » des requérants, une photocopie du Journal officiel de la République d’Haïti, « Le Moniteur », numéro extraordinaire du 19 juin 2012, un document-synthèse du débat général sur l’avant-projet de la Constitution de la République démocratique du Congo, et le rapport de la Commission politique, administrative et juridique d’avril 2005, relatif au même texte.

Examinant les dispositions constitutionnelles à interpréter, la Cour constitutionnelle relève que les alinéas 2 des articles 70, 103 et 105, ainsi que l’alinéa 6 de l’article 197 de la Constitution se rapportent à la fin du mandat du Président de la République et à celle des députés nationaux, sénateurs et députés provinciaux, tandis que les articles 75 et 76 de la même Constitution règlent la vacance de la Présidence de la République.

  1. Concernant la fin du mandat du Président de la République et incidemment, des membres des Assemblées législatives :

Aux termes de l’article 70 alinéa 2 de la Constitution, « A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu ».

La Cour relève, en outre, qu’étant clair, l’alinéa 2 de l’article 70 ne nécessite pas, en principe, d’interprétation ; elle note cependant que de la synthèse du débat général d’avril 2005 sur l’avant-projet de la Constitution ; on peut lire qu’après amendements de cet article, « Un deuxième alinéa a été ajouté pour que le Président de la République sortant puisse rester en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu afin d’éviter le vide institutionnel ».

Elle en infère que l’alinéa 2 de l’article 70 permet au Président de la République arrivé fin mandat de demeurer en fonction, en vertu du principe de la continuité de l’Etat, jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu.

La Cour observe par ailleurs que réglée respectivement par les articles 103, 105 et 197 de la Constitution, la situation des députés nationaux, sénateurs et députés provinciaux arrivés fin mandat est proche de celle réglée par l’article 70 alinéa 2.

Elle note que rédigés en des termes identiques, les articles 103 et 105 prévoient que le député national ou le sénateur est élu pour un mandat de cinq ans, renouvelable, qui commence à la validation des pouvoirs par la Chambre parlementaire à laquelle il appartient, et expire à l’installation de la nouvelle Chambre ; mais que contrairement à l’alinéa 1 de l’article 70 qui limite à deux le nombre de mandats auquel peut prétendre le Président de la République, les alinéas 1 des articles 103 et 105 ne fixent aucune limitation au nombre de mandats parlementaires.

La Cour relève, quant à leurs seconds alinéas, qui répondent également au souci de garantir la continuité de l’Etat, que seul le caractère collégial des Chambres parlementaires peut justifier la formule des articles 103 et 105, suivant lesquels le mandat de député ou de sénateur commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale ou le Sénat, selon le cas, et expire à l’installation de la nouvelle Assemblée nationale ou du nouveau Sénat.

Elle constate, en effet, qu’alors qu’avant de quitter le poste, en cas de non-réélection après un premier mandat, ou à l’expiration de son second mandat, le Président de la République, attendra de passer le pouvoir à son successeur élu en vue de l’installation effective de celui-ci conformément à l’article 70 alinéa 2 de la Constitution, le parlementaire qui appartient à une institution collégiale, voit l’expiration de son mandat conditionnée par l’installation d’une nouvelle Chambre dans son ensemble.

Elle note également que les développements ci-hauts concernant les députés nationaux valent, mutatis mutandis, pour les députés provinciaux, dont la situation est réglée par l’article 197 de la Constitution, aux termes duquel les membres de l’Assemblée provinciale, appelés députés provinciaux, sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable, le nombre de députés provinciaux cooptés ne pouvant dépasser le dixième des membres qui composent cette Assemblée, suivant les alinéas 3, 4 et 5, tandis que conformément à l’alinéa 6, l’article 103 de la Constitution leur est applicable, mutatis mutandis.

  1. Concernant la vacance de la présidence de la République :

La Cour relève des articles 75 et 76 de la Constitution que la vacance de la présidence de la République est la conséquence de certains événements qui surviennent en cours de mandat : décès, démission ou toute autre cause d’empêchement définitif.

Elle observe qu’aux termes de l’article 75, en effet, « En cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat ».

Elle juge en outre que la vacance de la présidence de la République renvoie à l’hypothèse où la fonction présidentielle reste sans titulaire, à la suite du décès du Président de la République, de sa démission ou de sa destitution par une décision de justice par exemple, c’est-à-dire la situation où le poste de Président de la République n’est plus occupé, où est constatée l’empêchement définitif du titulaire de cette fonction, pour l’une des causes énumérées par l’article 75 de la Constitution.

Elle observe par ailleurs que seul un empêchement définitif, défini par l’article 84 alinéa 3 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle comme la situation où le Président de la République se trouve dans l’impossibilité absolue d’exercer les fonctions qui lui sont dévolues par la Constitution et les lois de la République, permet de constater la vacance de la présidence de la République et d’enclencher la procédure définie par l’article 76 de la Constitution.

La Cour relève que selon l’article 76 alinéa 2 de la Constitution, le Président de la République par intérim, en l’occurrence le Président du Sénat, veille à l’organisation de l’élection du nouveau Président de la République dans les conditions et les délais prévus par les alinéas 3 et 4 de l’article 76 de la Constitution. Autrement dit, il veille à ce que la Commission électorale nationale indépendante, CENI en sigle, organise l’élection du nouveau Président de la République dans un délai de soixante jours au moins et quatre-vingt-dix jours au plus, délai qui peut être prorogé jusqu’à cent vingt jours au plus en cas de force majeure, après l’ouverture de la vacance ou la déclaration du caractère définitif de l’empêchement.

La Cour observe que conformément à l’alinéa 5 de l’article 76 de la Constitution, le Président élu commence un nouveau mandat, distinct du mandat interrompu au cours duquel la vacance de la présidence a été déclarée.

Elle note, en définitive, que la vacance se produit lorsqu’il n’y a plus de Président de la République, pour cause de démission, décès, ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, notamment la maladie, la captivité, la destitution par la Cour constitutionnelle à la suite d’une condamnation pénale, etc…, mettant le Président de la République dans l’impossibilité absolue et définitive d’exercer ses fonctions. Elle doit être formellement constatée par la Cour constitutionnelle, sur saisine du Gouvernement, conformément à l’article 78 alinéa 1 de la Constitution, tandis que l’intérim du Président de la République est alors assuré par le Président du Sénat, qui veille à l’organisation par la CENI de l’élection du nouveau Président de la République dans les délais constitutionnels.

Elle dira n’y avoir pas lieu à paiement des frais d’instance, la procédure étant gratuite, conformément à l’article 96 alinéa 2 de la loi organique n°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle.

C’EST POURQUOI :

Vu la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée à ce jour, spécialement ses articles 70 alinéa 2, 75,76, 103 alinéa 2, 105 alinéa 2, 161 alinéa 1er, et 197 alinéa 2,4 et 6 ;

Vu la loi organique n° 13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la Cour constitutionnelle, spécialement ses articles 42,48, 54, et 96 alinéa 2 ;

Vu le Règlement intérieur de la Cour constitutionnelle, spécialement les articles 27 alinéa 2, 34,35,36,37,38 alinéa 4 et 51 ;

La Cour, siégeant en matière d’interprétation de la Constitution ;

Après avis du procureur général ;

Se déclare compétente ;

Reçoit la requête :

Dit que pour consacrer le principe de la continuité de l’Etat affirmé par l’article 69 de la Constitution, l’article 70 alinéa 2 de la Constitution permet au président de la République actuellement en exercice de rester en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu, en vertu du principe de la continuité de l’Etat.

Dit en outre que bien que d’une durée de cinq ans renouvelable, le mandat des députés nationaux, sénateurs et députés provinciaux ne prend fin qu’à l’installation d’une nouvelle Assemblée nationale, d’un nouveau Sénat ou d’une nouvelle Assemblée provinciale, en vertu du même principe de continuité de l’Etat, également traduit par les alinéas 2 des articles 103 et 105, ainsi que l’alinéa 6 de l’article 197 de la Constitution.

Dit par ailleurs que les articles 75 et 76 de la Constitution règlent le cas de vacance de la présidence de la République intervenant en cours de mandat, pour cause de décès, démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif du Président de la République ;

Dit que la vacance de la présidence de la République nécessite l’intervention de la Cour constitutionnelle qui en fait la déclaration, sur saisine du gouvernement ;

Dit n’y avoir pas lieu à paiement des frais d’instance ;

Dit enfin que le présent arrêt sera signifié aux requérants, au Président de la République, au Président de l’Assemblée nationale, au Président du Sénat, au Premier ministre, aux Présidents des Assemblées provinciales ainsi qu’aux Gouverneurs de province, et qu’il sera publié au journal officiel de la République démocratique du Congo, ainsi qu’au Bulletin des arrêts de la Cour constitutionnelle.

La Cour a ainsi délibéré et statué à son audience publique de ce jour, mercredi 11 mai 2016’’.

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