Le viseur: Vous avez dit : ADF ?

Publié le par cité africaine

La nation est en deuil. Dans la nuit de samedi, la population de Beni a subi une énième attaque ennemie ayant débouché sur un carnage. L’on dénombre, au quartier Rwangoma, selon les sources, entre 40 et 50, voire 60 victimes. Au nombre desquelles des femmes et des enfants. Le gouvernement a décrété un deuil national de 3 jours, à partir d’hier lundi.

En fait, ces dernières années, c’est devenu une sorte de rituel, qui se répète presque chaque mois, où l’on voit une horde d’assaillants lancer des attaques dans la ville de Beni ou ses environs, égorger des civils innocents à la machette, hachés menus , et puis disparaître dans la nature. Depuis octobre 2014, plus de cinq cent personnes ont été tuées et des dizaines de milliers ont fui leurs foyers. A en croire la mission de l’ONU en RDC et les FARDC, ces massacres sont l’œuvre des rebelles ougandais des ADF (Allied Democratic Forces ‘’ Forces Démocratiques Alliées. Mais, d’ougandais rebelles à leur gouvernement, ces criminels n’ont sans doute plus que les origines. En réalité, écumant depuis une vingtaine d’années les forêts des contrées du Nord-Kivu, il y a bien longtemps que ces prétendus rebelles ougandais n’ont plus jamais mené des activités susceptibles d’inquiéter le pouvoir de Yoweri Museveni. Personne n’a souvenir d’une attaque perpétrée par ces soi-disant rebelles contre une quelconque localité de l’Ouganda. Les ADF, tout comme leurs compères les FDLR, ne constituent une menace que pour la RDC. En vérité, ces ADF ne sont aujourd’hui rien moins que de vulgaires terroristes. Terrés dans certains territoires du Nord-Kivu qu’ils ont transformés en zones de non droit, ils grappillent dans le sol, extraient du minerais, se livrent au trafic frauduleux, commercent sur des filières et des réseaux clandestins. Devenus un véritable fléau pour notre pays, ils sortent régulièrement de leurs repaires, mènent des raids dans Beni ou dans les villages environnants, tuent, volent, pillent, violent, opèrent des enlèvements, et s’égaillent dans la jungle. Lorsque, traqués dans leurs tanières par les FARDC, ils subissent un revers, dans leur débandade ils se livrent à des représailles sur les villages qu’ils traversent, semant la mort et la désolation parmi la paisible population. Des méthodes de terreur aveugle et gratuite qui n’ont rien à envier aux terroristes ‘’Djihadistes’’ de Boko Haram au Nigeria, au Cameroun, au Tchad ou au Niger. Ni à celles des terroristes Shebab qui sévissent en Somalie, et dont une rumeur persistante avait justement signalé la présence parmi ces ADF. En effet, l’identité de ces criminels ADF fait problème. Dans un rapport daté mars 2016, le Groupe d’étude sur le Congo ‘’GEC’’, affirme qu’aujourd’hui la définition des ‘’ADF’’ est à revoir. Le groupe rebelle ougandais de départ aurait, au cours des vingt années d’insurrection autour de Beni, fini par tisser des liens forts avec des groupes d’intérêts locaux, où s’identifieraient notamment des anciens du RDC–K/ML de Mbusa Nyamwisi, des membres des milices communautaires ainsi que de membres égarés des FARDC. Il y a lieu de rappeler qu’en son temps, le pouvoir avait dénoncé un réseau maffieux qui tirerait les ficelles depuis Kinshasa pour installer l’insécurité à Beni. L’on n’en a jamais su davantage. Mais, la responsabilité des Etats voisins n’est pas à écarter non plus. Par quels canaux ces ADF s’approvisionnent-ils et commercent-ils ? N’y aurait-il pas, chez nos voisins, une stratégie cherchant à assurer la sécurité chez eux en créant l’insécurité chez nous, et à en tirer des dividendes, dans une espèce d’économie de prédation ? De ce point de vue, d’aucuns pensent qu’il faille relativiser l’apport à attendre des Etats voisins, et considérer avec circonspection le concours qu’ils pourraient nous apporter. D’autant que ces mêmes Etats nous ont par le passé livré une guerre d’occupation et sont toujours mis en cause dans les rapports d’experts internationaux au sujet de la persistance de l’insécurité dans l’Est de la RDC. Par ailleurs, il a existé à l’époque, avec la Tripartite Plus (RDC, Ouganda, Rwanda, Burundi), et il existe encore, dans le cadre de la CIRGL, de nombreux mécanismes de concertation et d’échange d’informations. Ils n’ont toujours pas permis d’éradiquer l’insécurité chronique de l’Est du pays.

En tous les cas, il s’avère capital pour nos services de mieux cerner l’identité ces ADF et d’adapter en conséquence les méthodes de combat. La population de Beni qui, exaspérée par tant de massacres à répétition, est descendue dans la rue dimanche pour interpeller le chef de l’Etat, ne s’y est pas trompée : ‘’Nous disons toujours aux forces de sécurité qu'il faut mettre une forte ceinture autour de grandes agglomérations. A Beni, à Oicha, à Mbau. On ne le sent pas. Et on l’a toujours dit, il ne faut pas subir les évènements, mais plutôt les précéder’’.

Cela s’entend ! Puisque l’on parle de terroristes, il est impératif, en dehors des forces armées, de mettre à contribution les services de renseignements et d’intelligence. Il faut faire intervenir des unités spécialisées dans ce type de conflit. Et en vingt ans de lutte contre ces ADF, l’on devrait avoir formé ce genre d’unités aptes à mener le combat de guérilla auquel les ADF soumettent notre armée. En outre, le terrorisme étant un défi imposé à l’humanité, il faut y réserver aussi une réponse collective. Comme on le voit faire contre BokoHaram, ou Daech, il faut mutualiser les efforts des Etats pour vaincre le péril de Beni. Il ne s’agit pas de faire sous-traiter nos questions sécuritaires, mais il s’agit de se mettre ensemble pour donner une réponse appropriée. Les puissances du monde, qui ne sont pas exemptes de reproche dans l’instabilité créée en RDC depuis le génocide rwandais, ont une partition à jouer, notamment en ce qui concerne l’expertise à fournir à nos forces spéciales, et en termes d’information et de surveillance sur les mouvements de ces terroristes dans cette vaste contrée de Beni dont l’étendue pourrait équivaloir celle de certains pays. Pour en terminer avec le terrorisme à Beni, la solidarité internationale doit se manifester à la hauteur du défi.

Mantha L.

Publié dans citaf

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