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Publié le par La cité africaine

DECLARATION DES ORGANISATIONS DE DEFENSE DES DROITS HUMAINS DE LA RDC

L’Accord politique doit inclure les attentes exprimées par la population les 19 et 20 septembre 2016.
Seize (16) Organisations de promotion et défense des droits humains (ONGDH) ont analysé le « Projet d’Accord Politique Global pour l’organisation d’élections crédibles et apaisées en RDC», du 22 septembre 2016, issu du dialogue facilité par Monsieur Edem Kodjo, selon un bulletin des experts de l’Institut de recherche en droits humains (IRDH) reçu jeudi par le service de la Rédaction.

Elles ont constaté que ledit Accord traite de plusieurs matières déjà couvertes par la Constitution et des lois particulières, notamment la loi électorale et la loi portant organisation et fonctionnement de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
Par contre, l’Accord ne tient pas compte des attentes d’une grande frange de la population congolaise, entre autres les opinions, sur l’inclusivité du dialogue, exprimées par des partis politiques réunis au sein du « Rassemblement » (19 et 20 septembre 2016), la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) (20 septembre 2016) ainsi que des Organisations de la Société Civile (22 septembre 2016).
Et pourtant, ledit caractère inclusif des résolutions du dialogue et de leur conformité à la Constitution est rappelé par la résolution 2277 de l’ONU et relayé par la Déclaration conjointe, du 24 septembre 2016, des quatre organisations du Groupe de soutien au Facilitateur du Dialogue politique : l’Organisation des Nations Unies (ONU), l’Union Africaine (UA), l’Union Européenne (UE) et l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF).
Il est évident que la crise politique ayant abouti à la violence du 19 et 20 septembre dernier a pour fondement, d’une part, la demande de l’organisation de l’élection présidentielle dans le délai constitutionnel, et, de l’autre, la proposition d’une période dite intérimaire au cours de laquelle le Président actuel resterait en place.
Les ONGDH relèvent :

Premièrement, l’Accord Politique Global accède à la demande d’organiser une période intérimaire au cours de laquelle le Président actuel resterait en fonction jusqu’à l’installation du nouveau Président élu. Alors que la date de cette élection n’est fixée nulle part dans le texte.

Deuxièmement, l’article 23 dudit Accord, à son point d), stipule qu’ « il sera procédé immédiatement, après la signature du présent accord et dans un délai ne dépassant pas trente jours francs, à la formation d’un nouveau gouvernement de large union nationale comprenant des représentants de la Majorité Présidentielle, de l’Opposition politique et républicaine et de la Société Civile. Sans préjudice des dispositions de l’article 78 de la Constitution, le Premier Ministre est issu des rangs de l’opposition » (sic). Les ONGDH relèvent la contradiction de cette disposition de l’Accord avec les prescrits de l’article 78 invoqué. Celui-ci parle du pouvoir du Président de la République de nommer et de révoquer le Premier Ministre issu de la Majorité parlementaire en ces termes : « le Président de la République nomme le Premier Ministre au sein de la majorité parlementaire, après consultation de celle-ci. Il met fin à ses fonctions, sur présentation de celui-ci de la démission du Gouvernement ».

Troisièmement, le même article 23, dit à son point e) : « Ni le Premier Ministre, ni aucun membre du Gouvernement de large union nationale ne peuvent être candidats à l’élection du Président de la République ». Cependant, il ne stipule ni n’établit que l’actuel Président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle.
Quatrièmement, ledit article 23, a son point c) dit que les Députés nationaux et provinciaux, Sénateurs, Gouverneurs, Maires, Bourgmestres, Conseillers de secteurs ou de Chefs de secteurs restent en place dans leur composition et dans leurs compétences actuelles jusqu’à l’installation de leurs successeurs élus. Pour les ONGDH, cette façon d’organiser la période dite intérimaire consacre une administration publique exclusivement acquise à la famille politique du Président en place, en isolation du Premier Ministre qui serait issu de l’opposition, et susceptible d’être révoqué, à tout moment, par le Chef de l’Etat.

De ce qui précède, les ONGDH signataires de la présente déclaration estiment que le projet d’« Accord Politique Global » préparé par Monsieur Edem Kodjo accentue la crise politique qu’il ne cherche de compromis pour apaiser la situation du pays.
Par conséquent, les ONGDH recommandent vivement à l’ONU, l’UA, la SADEC, le CIRGL, l’UE et l’OIF à soutenir, en toute urgence, la requête de la société civile en désignation d’un nouveau facilitateur du dialogue réellement inclusif qui tiendrait compte de ses attentes exprimées dans la grande frange de la population.
Fait à Lubumbashi, le 28 septembre 2016.

Les organisations signataires :
ACAJ, Association Congolaise pour l’Accès à la Justice ; ACAT, Action Chrétienne pour l’Abolition de la Torture ; ACIDH, Action Contre l’Impunité pour les Droits Humains ; ADH, Association pour les Droits Humanitaires ; AFREWATCH, African Resources Watch ; AIDDH, Association Internationale pour la Défense des Droits Humains ; CEIPDHO, Centre International de Promotion de Développement et des Droits de l’Homme ; GANVE, Groupe d’Action Non-Violence Evangélique ; Génération Déterminée ; HDH, Humanisme et Droits Humains ; IRDH, Institut de Recherche en Droits Humains ; JUSTICIA a.s.b.l ; LIDDM, Ligue des Défenseurs des Droits des Malades ; LINAPEDHO, Ligue Nationale Paysanne des Droits de l’Homme
15. LUCHA, Lutte pour le Changement ; NDSCI, Nouvelle Dynamique de la Société Civile/Haut-Katanga

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Abbé Nsholé : «Les dates d’élections doivent être clairement définies»

L'Abbé Donatien Nsholé est le premier secrétaire général adjoint de la Cenco, la Conférence épiscopale nationale du Congo. Joseph Kabila chez le pape François hier midi. La visite du président congolais au Vatican était prévue de longue date, mais une semaine après les affrontements meurtriers de Kinshasa, elle prend un relief particulier. Sur place, au Congo, l'Abbé Donatien Nsholé est le premier secrétaire général adjoint de la Cenco, la Conférence épiscopale nationale du Congo. Que peut faire l'Eglise catholique pour aider le pays à sortir du gouffre ? En ligne de Kinshasa, le religieux répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

RFI : Ce lundi, le pape François a reçu le président Kabila en audience au Vatican. Une semaine après les terribles violences qui ont endeuillé Kinshasa est-ce que cette rencontre ne risque pas d’être mal comprise par beaucoup de Congolais ?

Donatien Nsholé : Pas du tout. Je crois que cette rencontre ne peut être que bénéfique pour le peuple congolais, dans la mesure où le pape c’est notre bon pasteur qui connaît ses brebis que nous sommes en RDC. Il sait que l’enjeu principal, c’est sauver la démocratie. Et quand le pape intervient certainement c’est dans le sens de proposer des solutions de sortie de crise.

Une semaine après le drame est-ce que vous savez combien de personnes ont été tuées à Kinshasa ?

Pas avec exactitude. Selon les éléments recueillis par notre commission justice et paix on était à 57 hier.

Cinquante-sept morts ?

Exactement.

Trois mois après les sanctions américaines contre le général Kanyama, le chef de la police de Kinshasa, est-ce qu’il faut envisager d’autres sanctions ciblées de la part de la communauté internationale ?

Tout ce que nous souhaitons, c’est que tous ceux qui peuvent faire quelque chose, que ce soit en termes de conseil, que ce soit en termes de pression, que ce soit en termes de sanction pour que le peuple congolais vive dans de meilleures conditions, ne peuvent être qu’encouragés.

A la suite de ces deux journées meurtrières, vous avez décidé de suspendre votre participation au dialogue national. Pourquoi ?

Pour deux raisons majeures. D’abord faire le deuil. Et la deuxième raison, c’est rechercher un consensus plus large. Parce que les évêques se sont rendus compte qu’à l’allure où allaient les choses, si on finissait le dialogue en cours, tout en laissant dehors une composante importante de l’opposition, une bonne partie de la population ne se sentirait pas concernée par les acquis de ce dialogue.

Et à quelles conditions reviendrez-vous à ce dialogue ?

Pour le moment, c’est surtout l’inclusivité qui pose problème, tout en rappelant les fondamentaux de l’Eglise, à savoir qu’il soit clairement stipulé et établi que l’actuel président de la République ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle, que les dates des élections soient clairement définies dans cet accord.

Donc pour vous, il n’est pas question de changer la Constitution afin de permettre au président Kabila de se représenter ?

Exactement.

Sur la question de la date de cette élection présidentielle, est-ce que vous avez renoncé à l’idée qu’elle ait lieu avant l’expiration du mandat actuel de Joseph Kabila, c’est-à-dire avant le 19 décembre de cette année ?

Concrètement, pour des raisons évidentes il devient mathématiquement impossible d’organiser les élections tel que souhaité, avant le 20 décembre.

Et vous proposez un report de combien de temps alors ?

Les évêques disent que le report doit être le plus court possible, juste le temps nécessaire pour organiser de bonnes élections et qui ne soient pas l’équivalent d’un mandat.

Pour vous, il ne faut pas que le report dépasse quelques mois, c’est cela ?

Selon le vœu des évêques qui se sont prononcés, il ne faudra pas que le report dépasse une année, mais ce n’est pas une date ferme. Ça peut être moins pour avoir un délai raisonnable.

Mais vous savez qu’avant le drame du 19 septembre plusieurs délégations au dialogue envisageaient un report de deux ans ?

C’est leur avis.

Mais ce n’est pas le vôtre ?

Ce n’est pas l’avis de la Conférence épiscopale nationale du Congo.

Est-ce que vous pensez que le médiateur togolais Edem Kodjo est à la hauteur de la tâche ou pas ?

Il ne nous appartient pas de le juger à ce stade. Le plus important, c’est d’impliquer ceux qui sont encore dehors.

Pour faire venir au dialogue ceux qui sont encore dehors, comme vous dites, c’est-à-dire les principaux partis de l’opposition, il faudrait que les autorités libèrent ceux que l’opposition appelle les prisonniers politiques qui sont détenus depuis plusieurs mois, voire plusieurs années. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Nous constatons qu’il y a déjà un pas qui a été fait dans ce sens-là. Peut-on obtenir leur libération dans le cadre de ce dialogue ? Les évêques sont en train de travailler avec les uns et les autres pour que le dialogue soit effectif.

A quels prisonniers pensez-vous en particulier ?

Il faut leur poser la question. Selon les listes que nous avons reçues, ils pensent éventuellement au cas de Diomi Ndongala et de Jean-Claude Muyambo. Ce sont les grands noms qui ont été cités et dont la libération n’est pas encore effective.

Depuis l’ouverture officielle de ce dialogue, il y a trois semaines, et avant même le drame du 19 septembre, plusieurs dizaines de membres de la société civile et notamment de Filimbi et du Chemin de la paix, l’ONG du Dr Mukwege, ont été arrêtés à leur tour. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Ce ne sont pas des décisions de nature à décrisper la situation politique actuelle. Dans le contexte actuel, de telles arrestations ne peuvent que compliquer la situation.

A Kinshasa, de plus en plus d’observateurs, y compris au pouvoir, comparent la situation actuelle à celle des années 1991-1993, à la fin du règne Mobutu quand la capitale était en proie à des pillages. Est-ce qu’il y a, selon vous, une similitude ?

Il y a une similitude dans la mesure où il y a une grogne dans la population. Le cadre qui devrait régler ce conflit va vers un dialogue inclusif, mais pas rassurant. Tant qu’une bonne frange de l’opposition est dehors, il y a similitude dans la mesure où on a tendance aussi à recourir à la rue pour trouver une solution à cette crise.

(RFI)

Publié dans citaf

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