Le viseur: Congo pour Dieu ?

Publié le par cité africaine

Ils étaient des dizaines de milliers de croyants à se presser samedi au stade des Martyrs de la Pentecôte, à l’appel des chefs des confessions religieuses et autres leaders spirituels, en vue d’assister à un culte œcuménique de dédicace de la RDC à l’Eternel Dieu. On y a vu se côtoyer kimbanguistes, protestants, fidèles de l’Eglise du réveil, orthodoxes, salutistes, membres des Eglises dites indépendantes, mais aussi musulmans et autres. Quand on connait le fanatisme et le radicalisme que charrie la foi religieuse, voir ces hommes et femmes confessant des doctrines diverses, contraires voire contradictoires, se rassembler dans un même élan pour une prière d’ensemble à Dieu, était en soi déjà un signal fort. Que ces serviteurs et servantes de Dieu, souvent enclins aux extrémismes et prêts à en découdre, au nom de ce même Dieu que tous ils disent servir, décident de mettre sous éteignoir leurs antagonismes pour prier ensemble, pourrait être perçu comme une préfiguration de ce qui devrait se réaliser demain pour la RDC, ce pays en proie à des déchirements qui en assombrissent l’horizon fin 2016. Voilà pourquoi, l’on ne va pas s’attarder sur les mobiles ayant poussé les uns et les autres à se rendre au stade. L’on sait en effet que pour certains, le rassemblement consistait en une prière en vue d’implorer la paix sur la RDC. Pour d’autres, il s’agissait de prier pour soutenir le Dialogue politique national inclusif convoqué par le chef de l’Etat, ainsi que l’attestaient plusieurs banderoles déployées sur les lieux. Pour d’autres encore, à l’exemple de ce jeune pasteur interrogé sur place, ce rendez-vous répondait à un appel du gouvernement convoquant tous les hommes de Dieu à une importante assemblée au stade. Quant aux fidèles de l’Eglise Liloba, selon l’un d’eux s’exprimant sur les ondes d’une radio locale, ils avaient été mobilisés pour venir célébrer la remise du trophée de la paix à leur gourou ! Autant dire que si la finalité était pour tous la même, les motivations du déplacement n’étaient pas identiques. A la fin de la manifestation, l’on a même vu une centaine de mototaxis, les wewa, assiéger l’Hôtel de ville pour revendiquer que soit tenue la promesse (collation + carburant) ayant conditionné leur déplacement du stade !

Pour autant, quoi de plus normal pour nous que de prier pour le pays, puisque notre sort dépend du sien ? Et l’on aurait pu s’attendre que cette initiative soit saluée par tous indistinctement. Non, la hiérarchie de l’Eglise catholique s’est mise en dehors de cette démarche. De plus, le culte œcuménique n’a pas échappé à la règle du moment qui veut que toute initiative soit scrutée sous le prisme de l’agenda politique de gauche ou de droite. Ainsi l’opposition et une partie de la Société civile ont-elles cru devoir réprouver ce culte œcuménique en dénonçant ‘’la manipulation des Eglises par le pouvoir et une confusion pernicieuse créée entre la politique et la religion, alors que l’Etat congolais est laïc’’.

Polémique avant, polémique également après la manifestation religieuse. Puisqu’aussi bien, le cérémonial du culte a été écourté et gâché par une pluie diluvienne qui s’est invitée juste au moment où les chefs des confessions religieuses faisaient leur entrée au ‘’Martyrs’’ pour démarrer le rituel de la dédicace du pays à l’Eternel. Il était plus ou moins 12heures, et le déluge sur Kinshasa va durer toute l’après-midi. « C’est la réponse divine à nos prières, c’est une pluie de bénédiction et de délivrance », interprètent les leaders religieux. « Non, corrigent les détracteurs, c’est le ‘’ fimbo’’ de Dieu, c’est la version revue de l’histoire d’Elie avec les prophètes de Baal ; alors qu’en ce temps-là Dieu envoya le feu pour approuver le sacrifice d’Elie, ici il fait abattre une pluie torrentielle et la foudre pour confondre les sacrificateurs véreux».

L’on doit bien se rendre à l’évidence : les antagonismes ont pris une tournure inquiétante dans ce pays. L’on ne peut même pas une fois se mettre d’accord autour des choses sacrées ! Il n’empêche, les hommes de Dieu ont bien, samedi, sous cette pluie battante, prononcé la prière de dédicace de la RDC à Dieu. «Considérant les antivaleurs qui se sont érigées en vertus, considérant notre responsabilité devant Dieu et l’humanité, nous représentants légaux , en union de prières avec l’ensemble de notre peuple, à la lumière du Psaume 33: 12, ‘’ Heureuse la nation dont l’Eternel est le Dieu!, Heureux le peuple qu’il choisit pour son héritage’’, venons dédicacer notre nation, la République démocratique du Congo à l’Eternel Dieu, pour que règne la paix et la concorde», tel est substantiellement le fond du message.

Cela étant, cette dédicace, si elle est bien ce qu’elle doit être, est un geste lourd de signification. Car qu’est-ce à dire, dédicacer ce pays à l’Eternel ? C’est remettre le pays entre les mains de Dieu. Cela revient à inviter Dieu lui-même à avoir un regard particulier sur la RDC, à descendre et à cheminer avec le peuple de ce pays pour lui faire passer les ténèbres des épreuves , afin de le conduire vers la lumière des lendemains qui chantent. Or, laisser ainsi Dieu lui-même intervenir dans la vie de ce pays, c’est l’appeler à y exercer son action de sanctification et de purification. Dieu n’est pas un Dieu de désordre. Le temps de l’ordre de Dieu et de sa mise en place a sans doute sonné pour la République Démocratique du Congo. La pluie diluvienne de samedi représenterait donc un avertissement sans frais. Dieu va balayer, nettoyer. Sous la direction divine, les iniquités publiques n’auront plus droit de cité. Alors, tenons-nous bien. Foi de chrétien !

Mantha L.

Publié dans citaf

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