Dialogue politique national: Majorité- Opposition: Les agenda Cachés

Publié le par La cité africaine

Le dialogue politique national est entré dans sa phase décisive avec le début des discussions cette semaine des matières sensibles comme les délais de l’opération de renouvellement du fichier électoral, la sécurisation du processus électoral lui-même, ainsi que la programmation dans le temps et l’espace des différents scrutins. A ce jour, aucun couac majeur n’est encore apparu entre les participants sur les sujets déjà abordés, mais cela ne signifie nullement qu’il en sera de même dans les prochains jours. Après les exposés techniques de la centrale électorale, la Ceni, de l’Onu et de l’Oif sur le processus de la refonte du fichier électoral, il ne reste plus grand monde pour croire que la tenue ne serait-ce que d’un seul scrutin était encore possible cette année. D’où la facilité avec laquelle des points d’accord sur ces sujets ont vite été dégagés.

Mais des problèmes, voire des blocages risquent de surgir bientôt dans la suite des discussions, quand des questions plus délicates arriveront sur le tapis, notamment lorsqu’il sera question de se mettre d’accord sur la hiérarchisation des scrutins à venir, mais surtout quand sera soumis au débat la question cruciale que tout le monde attend, celle de la gestion de la fameuse période de « glissement », désormais inévitable. L’opposition radicale restée jusqu’ici en dehors des travaux de la Cité de l’UA, a une vision assez simple sur cette question. Au lendemain du 19 décembre, date constitutionnelle de la fin du mandat de l’actuel Chef de l’Etat, celui-ci devrait rendre les clefs de la nation et s’effacer du devant de la scène.

Se basant toujours sur la même constitution, la majorité au pouvoir, forte de l’Arrêt de la Cour constitutionnelle, lui oppose le principe de la continuité des services de l’Etat et reste convaincue que le Chef de l’Etat en fonction va le rester jusqu’à la passation de bâton avec le prochain Président élu. Quant à l’aile de l’opposition partie prenante au dialogue, elle a, dès l’étape du comité préparatoire, donné son aval à la nécessité « d’un accord politique »sur ce sujet, « au cas où les élections ne se tenaient pas dans les délais ». Mais un accord politique de quelle nature ? C’est là toute la question. A cette étape, ni l’opposition, encore moins la majorité, n’ont certainement pas voulu en dire plus, préférant laisser tout le monde dans le vague, tout en ayant chacun son idée derrière la tête. Sauf que la totalité du dialogue étant prévue pour 15 jours, les congolais ne devraient pas trop tarder à connaître les tenants et les aboutissants de ce qui se cache réellement derrière ce fameux « accord politique », qui fait depuis, l’objet de tous les fantasmes dans les salons politiques à travers la ville.

Des arrière-pensées des uns et des autres

Pendant ce temps à la Cité de l’UA, les participants tentent de se persuader eux-mêmes et essaient de faire croire que tout va bien dans le meilleur des mondes. Mais certains d’entre eux par mesure de précaution, surtout dans le camp de l’opposition et même d’une catégorie de la société civile, gardent un œil par la fenêtre pour surveiller les faits et gestes de ceux qui sont encore dehors, question de ne pas être pris au dépourvu par un changement brusque de la dynamique actuelle, face à une conjoncture politique si mouvante.

A ce jeu d’un pied dedans –un pied dehors, on retrouve du côté politique, l’Opposition Républicaine de Léon Kengo wa Dondo. Ce regroupement politique, en dépit de son jeune âge, a réussi à se taper en peu de temps, une solide réputation de spécialiste du pavé dans la mare. Après s’être battu bec et ongles pour le poste de co-modérateur du dialogue, il se livre désormais à un jeu quelque peu déroutant. Il se réveille tous les deux jours le matin en brandissant un communiqué annonçant son retrait du dialogue, et pas plus tard que le soir du même jour, ses délégués reprennent leurs places au sein du même forum, sans communiqué cette fois. Dans le spectre politique congolais, l’Opposition Républicaine est la parfaite illustration d’un regroupement politique assis sur deux sièges et qui attend de voir le vent tourner d’un côté comme de l’autre, pour choisir définitivement à quelle table se mettre. Certains appellent ça de l’habileté politique, d’autres, du pur machiavélisme.

Du côté de la société civile, c’est à la Conférence Episcopale Nationale du Congo, CENCO, que semble revenir à juste titre, la palme du retournement de veste. Les Prélats congolais s’étaient il y a peu fortement engagés pour le dialogue, prenant pour ce faire leur bâton de berger pour tenter de rassembler sous un même enclos les brebis politiques congolais qui ont souvent tendance à s’égayer dans tous les sens. Au dialogue, leurs délégués ont comme toujours pris de l’ascendant sur toutes les composantes de la société civile, en s’octroyant un poste de choix, celui de rapporteur au sein de la co-modération des travaux. Alors que le dialogue n’en est qu’au début, voilà que la Cenco s’offre un buzz dans les médias et les réseaux sociaux, avec des menaces sur une possible suspension de sa participation aux travaux, si ceux-ci s’avéraient non inclusifs ou s’ils débouchaient sur un énervement de l’actuelle constitution.

Comme toujours chez les prélats congolais, un chapelet de bonnes intentions que tout le monde aurait aimé applaudir, si elles ne venaient pas un peu à contretemps. Il y a de cela moins de trois semaines, ces mêmes prélats catholiques battaient les pavés de Kinshasa, allant de maison en maison, pour certains même jusqu’à Hoyo au Congo-Brazzaville, pour tenter de réussir l’inclusivité au dialogue. L’échec apparent de ce pèlerinage devrait les pousser plutôt à prendre conscience de la difficulté, voire de l’impossibilité qu’il y a à convaincre certains acteurs politiques de se détourner de leurs propres agendas. Là où eux-mêmes les hommes de Dieu semblent avoir échoué, il serait pour le moins difficile de croire que les autres, pouvoir, facilitateur, groupe de soutien et autre Chef d’Etat étranger, pouvaient réussir. Mais le monde est ainsi fait : on a souvent tendance à magnifier l’échec des autres, et à mettre en sourdine ses propres ratés, gestion de l’opinion oblige. Quant à un éventuel tripotage des dispositions constitutionnelles, tout le monde est d’avis que c’est justement au dialogue au sein duquel la Cenco dispose d’une place prépondérante, qu’on devrait en parler utilement, et non à travers des déclarations publiques, qui n’ont de vertu que d’en rajouter à l’énervement général.

Participer activement aux discussions du dialogue, mais en même temps ne jamais quitter des yeux les portes et fenêtres de la salle des conférences de la Cité de l’UA, c’est l’exercice difficile auquel devront se livrer certains des acteurs qui prennent part aux travaux du dialogue. Il faut dire qu’à certains égards, la vigilance reste de mise pour certains acteurs dont le statut d’opposant ne résisterait pas au moindre coup de vent d’un changement de la donne politique. Alors que le dialogue semble avoir atteint sa vitesse de croisière, des acteurs de référence jusque-là restés à quai, pourraient brusquement rejoindre le navire, au grand désarroi de ceux qui pour le moment, bombent le torse dans l’enceinte de la Cité de l’UA, en se faisant passer pour ce qu’ils ne sont réellement pas. Dans une classe politique aux alliances aussi changeantes qu’en Rdc, un coup de théâtre est vite arrivé.

LOLO LUASU B.

Publié dans citaf

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