Le viseur: Compromis ou compromission ?

Publié le par La cité Africaine

Depuis vendredi, après le débat général sur les questions à l’ordre du jour du dialogue, la plénière a éclaté en commissions afin d’aller en profondeur dans les discussions pour pouvoir dégager des pistes de solutions à proposer ensuite à la discussion des participants en vue de conclure le dialogue par le fameux consensus politique et électoral tant attendu.

La première Commission dirigée par les co-modérateurs Emmanuel Shadari, pour la Majorité Présidentielle, et Elisée Dimandja, pour l’Opposition, a planché sur les aspects du processus électoral liés au fichier électoral et à la séquence à suivre pour la tenue des 11 élections à venir.

La deuxième Commission, pilotée par le MP Mashako Mamba et Me Moïse Nyarugabo pour le compte de l’Opposition, était appelée à débattre de la problématique de sécurisation des élections. Question ultra-sensible s’il en est, lorsqu’on se rappelle que les deux premières élections en 2006 et 2011, ont donné lieu au déclenchement d’une flambée de violence inouïe, massive, multiforme. Ces déchainements sont dus notamment aux débordements des candidats, à la passion qui caractérise les joutes électorales, considérées par les politiciens chez nous comme une question de vie ou de mort, mais aussi par une certaine inclinaison à l’usage disproportionné de la force par nos services d’ordre.

La troisième Commission ‘’Confiance et Equité’’, placée sous la direction des co-modérateurs Raymond Tshibanda de la MP et Mokonda Bonza de l’Opposition, était en charge des questions liées aux mesures devant promouvoir la transparence, la bonne conduite, en vue d’élections apaisées de sorte que les résultats interviennent dans un contexte se sincérité et de crédibilité qui les rend acceptables.

Si les deux dernières Commissions prédisposent à une entente assez commode, car les sujets traités revêtent un caractère plus ou moins impersonnel, l’on ne donnait pas cher de l’issue des travaux de la première Commission qui a traité du point axial du dialogue. Depuis le début des discussions, voici quelque dix jours, les deux parties antagonistes du dialogue ont donné l’impression générale de rester ancrées dans leur logique. Par rapport, au fichier électoral, la Majorité s’est montrée attachée à l’option la plus longue, celle de la reconstitution de nouvelles listes électorales, quitte à y mettre jusqu’à 16 mois. Quant à la séquence des élections, toujours fidèle à sa ligne, elle préfère commencer par les élections locales pour terminer par la présidentielle.

Côté opposition, l’avis qui semblait prédominer chez certains était de recourir au fichier de 2011, celui-là même qui, malgré ses faiblesses, aujourd’hui reconnues et clamées sur tous les toits, a donné au pays un chef d’Etat et des députés nationaux élus. Lesquels n’ont d’ailleurs jamais individuellement remis en cause leur élection, mais se sont toujours prévalus d’être en clarté de légitimité. Une autre tendance au sein de l’opposition voudrait quant à elle opter pour une révision de fichier électoral qui se déroule dans les délais les plus courts possibles. Quant à la séquence des élections, l’opposition accorde priorité à la présidentielle. Histoire de vider le plus rapidement possible la querelle qui empoisonne le climat politique dans le pays autour de l’alternance politique au point d’avoir nécessité l’organisation du présent dialogue.

On le voit donc, les choix de la majorité corroborent, à tort ou à raison, les propos de ceux qui l’a toujours accusée de chercher à gagner du temps et à obtenir ainsi, par des manœuvres dilatoires, le maintien indéterminé à son fauteuil du chef de l’Etat en exercice, au-delà de son terme constitutionnel du 20 décembre 2016. Quant aux membres de l’opposition présents au dialogue, leur hantise aujourd’hui, c’est de ne pas prêter le flanc aux flèches assassines de ceux qui les diabolisent en les faisant passer pour des suppôts du pouvoir, entrés en dialogue pour servir de caution à un glissement du mandat présidentiel contre de félonnes prébendes . Jusque-là, l’opposition a dit donc ne pas être prête à s’aligner sur un consensus qui violerait le principe inaliénable de l’alternance politique en RDC.

Si tout marche comme prévu, c’est ce mardi que les Commissions vont rendre leurs rapports à la plénière, entamant ainsi la dernière ligne droite du dialogue qui devrait, théoriquement, s’achever après demain jeudi. Il va falloir aux uns et aux autres faire preuve de beaucoup de sens d’ouverture, en acceptant de part et d’autre des concessions en faveur de la construction d’un véritable consensus politique. Sachant surtout que l’entente trouvée devra être de nature à motiver la population à se l’approprier, et permettre ainsi de recréer la confiance envers la classe politique. C’est à ce seul prix que l’on pourra escompter une adhésion et une participation responsable du peuple au nouveau processus électoral. D’aucuns pensent d’ores et déjà que la véritable négociation ne va pas se conclure dans les travées où siègent les 280 délégués au dialogue. Que certains n’y verront que du feu. Que les vraies tractations vont se conclure en cercle très restreint, sans perdre de vue que la partie la plus représentative de l’opposition n’est pas à ce dialogue et qu’il ne peut y avoir de solution inclusive significative et durable qui fasse passer ce groupe-là par simples pertes et profits.

D’ici quelques jours, l’on va savoir donc si, aux yeux de notre peuple, les Congolaises et Congolais réunis à la Cité de l’Union Africaine, à la lisière du Camp Tshatshi, vont achever leurs travaux sur un compromis constructif et apaisant ou sur une vaste compromission qui va relancer la spirale de la tension et de l’instabilité politique dans ce pays. A moins que les choses se terminent en queue de poisson ou sur un goût d’inachevé, et que l’on doive jouer les prolongations. Avec l’entrée en jeu de nouveaux acteurs !

Mantha L.

Publié dans citaf

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article