Le viseur: L’histoire bégaie !

Publié le par La cité africaine

En toute chose, il faut considérer la fin, dit le fabuliste. C’est cette sagesse qui pousse Edem Kodjo à prendre le temps qu’il faut en vue de réunir les conditions les plus idoines pour ordonner l’atterrissage du dialogue politique national inclusif qu’il a ouvert le 1er septembre, à la Cité de l’Union Africaine. Dans son esprit, il s’agit d’abord certainement de sauver son image de diplomate et de politique qui a été fortement malmenée ici en RDC. Le citoyen congolais lambda risque de garder un piètre souvenir de cet homme qui a été brocardé et passé à la moulinette par des mécontents et des absents du dialogue, mais qui reste pourtant parmi la fine fleur de l’intelligentsia africaine. Il s’agit aussi pour l’ancien Premier ministre togolais d’achever ce dialogue sur une note qui donne quelque raison d’espérer au peuple congolais et à l’Afrique. C’est sans doute aussi le même état d’esprit qui anime l’Opposition présente au dialogue. Diabolisé, voué aux gémonies, le groupe à Kamerhe a aujourd’hui à cœur de démontrer qu’il n’est pas allé au dialogue pour comploter et trahir. Expliquant les raisons l’ayant conduit à suspendre sa participation au dialogue avant d’y poser le dernier acte, l’Opposition au dialogue écrivait dans un communiqué : ‘’ Ces Congolaises et Congolais sont morts, les 19 et 20 , pour exiger une fois de plus le respect de la Constitution, l’organisation du scrutin présidentiel, le refus d’un troisième mandat au président actuel et l’alternance démocratique, des exigences causales de la crise politique actuelle’’. Et avant donc de s’engager dans un quelconque compromis, cette opposition pose que l’accord final du dialogue devra nécessairement mentionner les points suivants : la réaffirmation de la stricte observance de la Constitution, notamment en ses articles 220 et 70, sur le nombre et la durée de mandat du président de la République ; la date de dépôt des candidatures et celle du scrutin ; le délai nécessaire à l’organisation du scrutin qui doit être court ; le sort du président de la République, après le 19 décembre 2016 .

Le week-end dernier, le facilitateur a distribué aux dialogueurs, pour avis, considérations et amendements, un draft préfigurant l’accord global à signer. Les consultations se poursuivaient encore autour des concessions que devraient se faire les uns et les autres sur les principaux points énumérés ici. Et tout indique que le dialogue va accoucher d’un compromis politique qui devrait permettre d’organiser la présidentielle dans les délais les plus courts, sans doute fin 2017, sinon, tout au plus, début 2018. Ce qui réduirait au minimum la période de transition, courant de la fin constitutionnelle du mandat du chef de l’Etat actuel à l’installation du nouveau président élu. Il est également clair qu’un nouveau gouvernement sera mis en place après le dialogue. La recherche du compromis corse cependant sur le rôle du président de la République après la fin de son mandat électoral en décembre 2016 et sur les pouvoirs du nouveau gouvernement de transition. Pour l’Opposition au dialogue, le fait d’endosser politiquement la décision juridique du maintien sur son fauteuil du président Kabila est une concession majeure, qui devrait être compensée par l’octroi de la direction du gouvernement à l’opposition, avec de larges pouvoirs. Certains allant à imaginer qu’en l’espèce le président de la République règne mais ne gouverne pas.

En revanche, pour la Majorité, le président Kabila, à défaut d’une légitimité électorale, jouira d’une légitimité légale que lui confère l’arrêt R. Const 262 de mai 2016 qui le maintient en fonction jusqu’à l’installation du nouveau président élu, sur pied de l’article 70 de la Constitution. Et si la transition devait se réduire à une petite année, juste le temps d’organiser les élections, l’on ne voit pas ce qui obligerait cette Majorité à confier la direction du gouvernement à l’opposition, en violation de la Constitution. De surcroit, ce qui s’est passé les 19, 20 et 21 septembre, et la démonstration de la capacité de mobilisation populaire d’Etienne Tshisekedi et partant celle de nuisance de son Rassemblement poussent à réfléchir. Quel avantage la Majorité actuelle a-t-elle à conclure un accord global avec le camp de la frange minoritaire de l’opposition présente au dialogue ? L’opposition kamerhiste a-t-elle les reins solides et des assises populaires qui puissent lui permettre d’endosser un compromis politique global et de le défendre face aux assauts et aux débordements des Forces politiques et sociales acquises au changement, dont le discours et les actions vont se radicalisant jour après jour ? C’est la réponse à cette question qui va déterminer et poser les limites des concessions que la Majorité pourrait faire à l’Opposition au dialogue. Ce dont il serait question désormais c’est de ne pas prendre le risque, à l’abord de la date du 19 décembre 2016, de s’exposer à des situations semblables ou pires que celles des 19 et 20 septembre. L’on devra continuer de creuser le filon du dialogue et parler avec ceux qui aujourd’hui ne se sentent pas concernés par le compromis d’Edem Kodjo.

Aussi, depuis quelque temps, des voix s’élèvent-elles à l’international, pour dire la nécessité d’un autre round de négociations, dans le cadre d’un ‘’dialogue plus inclusif’’, pour certains, ou d’un ‘’vrai dialogue’’, pour d’autres. En réalité, il ne s’agirait pas de reprendre tout à zéro. Le dialogue de la Cité de l’Union Africaine a permis des avancées indiscutables sur la question électorale. Il faudra les capitaliser, c’est-à-dire : les prendre en compte. Le dialogue de l’UA sortira sans doute un gouvernement. Il durera le temps qu’il durera. Quoi d’étonnant au reste ? N’a-t-on pas, dans ce pays, connu une succession de Premiers ministres issus de l’opposition: Etienne Tshisekedi, Mungul Diaka, Nguza Karl Ibond, Faustin Birindwa, nommés par Mobutu, chacun, dans des circonstances bien déterminées, dans la recherche d’une solution à la crise ? N’ y eut –il pas aussi un certain accord de l’hôtel Cascades en Afrique du Sud qui partagea le pouvoir entre Joseph Kabila, président, et Jean Pierre Bemba, Premier ministre , et qui resta lettre morte, jusqu’à ce qu’arrive enfin l’Accord global et inclusif de Pretoria… ? L’histoire est un perpétuel recommencement, dit-on !

Mantha L.

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