Le viseur: Le scénario du pire ?

Publié le par La cité africaine

Pris en étau entre, d’une part, les pressions, les menaces et les sanctions internationales, et d’autre part, les déchirements internes, l’avenir de la RDC n’offre aucune lisibilité. Se voulant comme une antithèse au dialogue en cours à la Cité de l’UA, le conclave du Rassemblement vient encore de livrer une sorte d’avis de tsunami politique. Ses conclusions posent: la nomination d'un nouveau facilitateur, celui de l'UA, Edem Kodjo étant récusé ; la tenue d’un dialogue plus inclusif d’une durée de dix jours mettant autour de la table deux parties: les participants aux discussions de la cité de l'OUA avec ceux du Rassemblement" ; "à partir du 19 décembre toutes les institutions à mandat électif auront perdu toute légitimité" ; la démission immédiate du gouvernement du Premier ministre Matata Ponyo ; la dissolution de l’équipe dirigeante de la CENI qui a échoué à organiser l'élection présidentielle en temps et en heure ; un nouveau calendrier électoral avec priorité à l’élection présidentielle, couplée avec les législatives nationales , ces consultations devant être suivies dans un délai de 30 jours maximum, à compter de la proclamation des résultats provisoires , par les provinciales et les sénatoriales, alors que les élections locales, communales et urbaines se tiendront après l’installation des institutions nationales et provinciales .Enfin, et c'est sans doute le plus important, avant d'entamer ce dialogue avec la majorité, le Rassemblement veut que Joseph Kabila s'engage à quitter le pouvoir à la fin de son mandat le 19 décembre 2016 en respect de la Constitution et que soient libérés les prisonniers politiques ainsi que les médias de l’opposition fermés et soient abandonnées les poursuites judiciaires contre les opposants. Mais encore, the last but not the least : à partir du 20 décembre 2016, Joseph Kabila ne serait plus habilité à engager la RDC tant à l’intérieur qu’à l’extérieur. Raison pour laquelle, le vrai dialogue devrait mettre en place un régime spécial de transition pour gérer le pays. Ce à quoi renchérit, comme en écho, le vice-Premier ministre et ministre belge des Affaires étrangères : ‘’ L’on doit savoir qui va gérer le pays, après le 19 décembre 2016’’ (sic) !

On le voit, le Rassemblement, tout en récapitulant ses fondamentaux, vient de placer la barre encore plus haut, trop haut sans doute. D’où la réaction immédiate de la Majorité présidentielle d’après laquelle, « ce conclave qui n’a rien produit de neuf que l’on ait déjà entendu, n’était qu’une séance de radicalisation et d’endoctrinement des adeptes et alliés de Tshisekedi en vue de réaliser leur programme de prendre le pouvoir par le chaos et la violence de la rue». Le secrétariat général de la MP estime que ‘’ce corps de résolutions livrées ne représente pas un plan de salut de notre démocratie et n’ouvre aucune perspective d’espoir à notre peuple, dans la problématique actuelle du processus électoral en vue d’élections crédibles, transparentes et apaisées’’. Au contraire, il ne s’agit là que de la " formalisation du projet séditieux du Rassemblement " pour confisquer le pouvoir d’Etat.

En vérité, tout ceci paraît bien excessif. Et comme le dit la sagesse, ‘’ce qui est excessif est dérisoire’’. En tout état de cause, l’on se retrouve aujourd’hui devant une bipolarisation sans équivoque du paysage politique du pays, suivant deux logiques désormais clairement définies. Tout part d’un postulat : la crise provient de l’impossibilité, créée à dessein ou non, de tenir l’élection présidentielle dans le délai. Tout le monde est d’accord là dessus.

A partir de ce constat, que faire ? Il faut dialoguer pour rechercher les voies de sortie. Là encore, tout le monde est d’accord ! Mais suivant quelle base juridique ? Celle posée par la résolution 2277 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui met en avant le respect de la constitution du pays ! Sur ce point également, tout le monde semble être globalement d’accord. Mais quel schéma emprunter pour sortir de la crise? A partir d’ici, deux schémas sont clairement mis en évidence aujourd’hui. Pour les tenants du Dialogue de la Cité de l’UA, il faut mettre l’accent sur la relance du processus électoral bloqué, s’entendre sur un nouveau calendrier électoral, et à partir de là se donner les garanties de bonne fin en se partageant le pouvoir pour une gestion consensuelle de la période restant à courir avant l’installation du nouveau président élu. Tandis que pour les participants au Conclave de Limete, il faut mettre l’accent sur le respect de la constitution et poser, élection ou pas, que l’actuel président de la République ne peut plus diriger le pays après le 19 décembre 2016, parce que forclos de par la volonté du constituant, qui ne l’autorise pas à aller au-delà de son second et dernier mandat. Conséquence, le vrai dialogue doit permettre de s’entendre sur l’organisation du pouvoir afin de déboucher sur l’organisation de bonnes élections.

Ces positions paraissent irréconciliables. Mais ne dit-on pas que ‘’la politique est l’art du possible’’ ou encore ‘’l’art de rendre possible ce qui est nécessaire’’ ? Ce qui est nécessaire ici c’est la paix pour ce pays, pour l’Afrique. Voilà pourquoi, l’on ne peut pas se passer du dialogue, quitte à lui donner le format le plus idoine. Au début des années 90’, face aux crises multiformes en Afrique, le concept à la mode fut ‘’la conférence nationale ‘’. Aujourd’hui, la formule en vogue est celle du dialogue. Du Niger au Congo Brazzaville, du Gabon au Tchad, sans oublier le Burundi, on revendique le dialogue national, l’on ne jure que par le dialogue inclusif. Nations Unies, Union Européenne, Union Africaine, France, Belgique, Etats-Unis, Canada, Royaume Uni, CPI, … chacun y va de sa partition pour contraindre la classe politique congolaise au dialogue en vue de trouver une solution pacifique à la crise. Il s’agit , nous explique-t-on, ‘’d’utiliser tous les moyens , y compris, si nécessaire, le recours à des mesures de sanctions contre ceux qui se seraient rendus coupables de graves violations des droits de l'Homme ou qui feraient obstacle à une sortie de crise consensuelle, pacifique et respectueuse de l'aspiration du peuple congolais’’. Et, les uns et les autres sont convaincus de combattre pour la bonne cause, celle de la paix pour la RDC et son peuple.

Oui, dialoguer, encore dialoguer, et toujours dialoguer : on ne doit pas s’en lasser, tant qu’il s’agit de conjurer le scénario du pire qui nous guette.

Mantha L.

Publié dans citaf

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