Messe d’action de grâces / Communauté Mgr Nsumbu 01 janvier 2017 Emouvante homélie de Mgr Mbuka à l’adresse de la population sinistrée de Boma (Nb 6, 22-27 ; Ga 4, 4-7 ; Lc 2, 16-21)

Publié le par La Cité Africaine

  1. Au terme d’une année et à l’aube d’une autre, nous ne pouvons pas ne pas nous tourner vers le Seigneur dans une attitude d’action de grâces et de confiance. D’autre part, la louange au Seigneur ne peut pas nous faire oublier les joies et les peines du monde en général et de notre ville en particulier. Qu’avons-nous fait, comment avons-nous cheminé, à quoi avons-nous été confrontés, quelles difficultés avons-nous affrontées, de quelles espérances avons-nous été animés ? C’est aussi le moment de jeter notre regard vers l’avenir, celui qui nous touche concrètement et dans lequel nos pas sont déjà engagés. Que projetons-nous de faire au cours de l’année 2017, quels moyens nous donnons-nous pour la réalisation de nos projets d’avenir ?

 

  1. Avant toutes choses, méditons d’abord sur la parole de Dieu que nous venons d’entendre proclamer en cette solennité de Sainte Marie, Mère de Dieu. Dans le livre des Nombres, première lecture, Dieu, par Moïse, apprend à Aaron et à ses descendants comment bénir les fils d’Israël. Il s’agit de leur apprendre à faire descendre sur les fils d’Israël la bienveillance, la protection, la lumière et la paix de Dieu. Dans l’épître aux Galates, deuxième lecture, saint Paul nous rappelle que par Jésus-Christ, nous sommes devenus héritiers du Royaume; nous pouvons  nommer Dieu « Abba », ap­pel­lation affectueuse et familière pour « Père ». Nous ne sommes plus esclaves, mais fils et filles libres. Cette liberté nous donne la force d'être d'authentiques témoins du Christ à temps et à contretemps, sans peur ni gêne. L’évangile selon Saint Luc nous dit: «Marie, cependant, retenait tous ces évé­nements et les méditait dans son coeur». L’attitude de Marie contraste nettement avec l’effervescence superficielle des bergers : ils se livrent aux racontars; ils nourrissent l’appétit pour le merveilleux. Marie est discrète; plus encore, elle se rend disponible pour se laisser conduire par son Fils à travers des sentiers qu’elle ignore; elle laisse Dieu s’emparer de sa vie. Dans la même page de Saint Luc, nous apprenons qu’au huitième jour, l’enfant reçoit le nom de Jésus; en hébreu ce nom se lit «Yeshua», qui signifie «le Seigneur sauve», artisan de paix.
  2. Des trois lectures, nous pouvons retenir un fil conducteur : la Paix. Ce n’est pas du pur hasard que la Parole de Dieu proposée en cette solennité nous invite à bâtir la paix. Le premier janvier est consacré à la célébration de la journée mondiale de la paix. Le lien entre la fête chrétienne d’aujourd’hui « Sainte Marie, Mère de Dieu » et cette célébration de la journée mondiale de la paix va de soi. La Sainte Vierge Marie a enfanté le « Prince de la Paix ». Le prophète Isaïe l’avait déjà annoncé ; «Un enfant nous est né, un fils nous a été donné ! …son nom est proclamé : Conseiller-merveilleux, Dieu-Fort, Père-à-jamais, Prince-de-la-Paix» (Is 9, 5). En enfantant « le Prince-de-la-Paix » la Sainte Vierge Marie devient elle-même Reine de la paix, « Notre Dame de la Paix ».
  3. Le Message du saint Père François pour la 50ème Journée Mondiale de la Paix de cette année, en ce 1er janvier 2017, a comme titre : « La non-violence: style d’une politique pour la paix ». Le pape insiste sur l’amour des ennemis. Un cœur humble est capable de respect, de pardon, de réconciliation, de solidarité et de paix. Il est capable d’aimer ses ennemis (cf. Mt 5, 44), de prier pour ses persécuteurs (cf. Mt 5, 44), de pardonner à ses bourreaux (cf. Lc 23, 34). Voilà  le comportement que doivent adopter les acteurs politiques.
  4. À la suite du prophète Isaïe, le pape François nous invite à faire de nos armes des machettes pour travailler dans nos plantations, des houes et des pioches pour arranger nos routes ; faire de nos épées des socs de charrue, nos lances des faucilles pour couper les herbes. Ne levons plus l’arme nation contre nation, ne nous entraînons plus pour la guerre (cf. Is 2, 4). Si nous voulons vivre ensemble en frères et sœurs, nous sommes condamnés à partager nos joies et nos peines. La quête de la paix est une valeur fondamentale pour nous tous. La paix est avant tout un don de Dieu offert aux hommes ; mais un don que les hommes et les femmes doivent cultiver, car réaliser la paix entre les hommes est une entreprise difficile. Même en l'absence de la guerre, la paix sociale pourrait être profondément troublée, voire impossible à cause de notre comportement désordonnée : paroles injurieuses, calomnies et jalousies ; destruction, vol et incendie des biens d’autrui ; terrorisme, tracasserie, tuerie : un tel comportement ne peut pas construire la paix.
  5. Les inondations dans notre ville au début de la semaine ont entraîné plusieurs décès, des personnes disparues, des maisons détruites, beaucoup de biens détruits ou emportés par l’eau, beaucoup de sans-abris, beaucoup de malades et de maladies. Mes sincères condoléances à toutes ces familles endeuillées et ma compassion aux personnes éprouvées. Dans la prière et la pensée, je compatis à leur peine; je voudrais affermir leur espérance. Comme nous le recommande la Parole de Dieu, je voudrais redresser les mains défaillantes et les genoux chancelants (cf. He 12, 12). Même au plus profond de notre misère, Dieu est là, toujours présent à côte de nous. Au-delà de son silence apparent, sa présence mystérieuse ouvre grandement les portes de l’espérance et du salut. C’est pourquoi, j’invite tous les fidèles de notre diocèse ainsi que les hommes et femmes de bonne volonté à manifester leur compassion active par la prière et l’aide matérielle envers ces personnes sinistrées. Au nom de tous les fidèles du diocèse de Boma, je voudrais exprimer ma profonde reconnaissance au Président de la République pour son implication personnelle dès qu’il a été informé de la catastrophe ; à notre cher Gouverneur, S. Exc. Mr Jacques Mbadu ici présent et ses collaborateurs pour la mobilisation massive aussi bien de nous de Boma mais aussi d’ailleurs ; à maman Maire et ses collaborateurs pour leurs actions concrètes sur le terrain ; nos remerciements s’adressent aussi aux entreprises de la place, aux organismes d’aide locaux et étrangers déjà en mouvement pour apporter leur appui.
  6. Concernant ces inondations, c’est vrai que des raisons de perturbation climatique et de configuration géographique sont certainement en cause. Mais, il nous faut aussi faire notre propre examen de conscience, car nous en sommes en partie responsables. Un homme averti en vaut deux. Si nous continuons à ne pas respecter l’environnement et l’urbanisme, ce phénomène va nous arriver plus fréquemment et plus amplement. L’eau déborde dans nos rues parce que nous ne nettoyons pas les rigoles et les égouts et les canalisations d’eau ; nous considérons nos cours d’eau comme des poubelles, ce qui a comme conséquence le rétrécissement des lits des cours d’eau devenus très étroits et peu profonds, d’où l’évacuation lente des eaux et le rapide débordement inondant ainsi rues, parcelles et maisons. E puis, nous construisons nos maisons au bord de l’eau alors que nous n’avons pas de moyens pour construire des maisons solides, conséquences : elles s’écroulent au moindre choc de l’eau.
  7. Alors que nos larmes sont encore fraiches sur les joues et nos coeurs pleins d’amertume, nous sentons la main paternelle et affectueuse de Dieu se poser sur nous en cette fin de l’année et au début de l’année nouvelle. Ils sont un souffle d’espérance les mots encourageants du Président de la République dans son Message à la Nation ainsi que la signature de l’accord sous l’égide de la Conférence Épiscopale Nationale du Congo (CENCO) tard dans la nuit, après des laborieuses négociations entre les deux camps qui auront duré près de trois semaines alors qu’initialement prévues pour trois jours. Véritable signe de la présence de Dieu ; Il ne cesse d’agir et son Esprit travaille au cœur des hommes et des femmes : la Majorité présidentielle et l’opposition radicale acceptent de faire ensemble une partie du chemin, de trouver un compromis pour le bien de la Nation. C’est le cas de le dire : laissons Dieu être Dieu ; ses voies ne sont pas nos voies, ses pensées ne sont pas les nôtres (cf. Is 55, 8). Avec le psalmiste disons :

« Les yeux du Seigneur sont tournés vers ses justes, il prête l’oreille à leur clameur. S’ils crient, le Seigneur entend, il les délivre de toutes leurs angoisses. Le Seigneur est tout proche du cœur brisé, il sauve les esprits désemparés ». (Ps 34, 17-19)

Mbuka Cyprien, cicm/ Évêque de Boma

Publié dans citaf

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article