Le viseur: Encore un feu de paille !

Publié le par La Cité Africaine

Encore une enquête ! Oui,  la RDC ploie ces dernières années sous la contrainte d’une série d’enquêtes, ordonnées en vue d’élucider quelques dossiers sales mis sur son dos. Enquête sur les incidents meurtriers des 19, 20 et 21 janvier 2015 en rapport avec le rejet populaire d’une révision vicieuse de la loi électorale, avec à la clé de 20 à 40 morts, selon les sources. Enquête sur une fosse commune découverte à Maluku où avaient été enterrés près de 400 corps d’inconnus. Enquête sur les incidents des 19 et 20 septembre 2016 pour le respect de la constitution quant à la durée du mandat présidentiel, ayant causé jusqu’à cinquante morts, selon les bilans, et d’importants dégâts matériels dont le saccage et l’incendie de sièges de partis politiques. Enquête sur les manifestations meurtrières (20 morts) des 19 et 20 décembre 2016 en rapport avec la fin constitutionnelle du mandat du chef de l’Etat.  Enquêtes sur les massacres successifs dans la contrée de Beni-Butembo… La liste est loin d’être exhaustive. A quoi viennent s’ajouter, depuis la semaine dernière, deux autres enquêtes. Celle relative à la vague de saccages perpétrés dans  des paroisses de l’Eglise catholique, notamment à  Saint Dominique de Limete à Kinshasa. Et puis, pour boucler la série, cette enquête que vient d’ordonner le président de la République au sujet d’un  prétendu massacre de civils dans les Kasaï. Le Kasaï-central est effectivement  l'épicentre de la rébellion Kamwina Nsapu qui déstabilise depuis septembre les trois provinces du Kasaï et où les violences auraient fait au minimum 200 morts depuis. Déjà l'ONU était montée au créneau pour reprocher à l'armée et à la police congolaises un usage "disproportionné" de la force face à un ennemi responsable de son côté d'"atrocités". Et, comme pour donner un contenu aux affirmations de l’ONU, trois vidéos ont été diffusées ces derniers jours, sur Internet, mettant en cause des soldats congolais dans un massacre de villageois, dont des femmes et des enfants,  non armés, ou porteurs simplement de lance-pierres et de bâtons au Kasaï .

Depuis lors, les accusations et condamnations fusent de partout. Les Nations Unies, la France, l'Union Européenne et les Etats Unis ont vivement condamné ces violences, qui pourraient relever de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Tous exigent une enquête sérieuse pour établir la véracité des faits  et, s’il échet, les responsabilités.

Face au tollé suscité, le gouvernement de la République a d’abord parlé  ‘’de montage’’. Se montrant ensuite hostile à l’idée de mener une enquête sur ces faits, par la voix de son porte-parole, le gouvernement a indiqué que c’était aux accusateurs d’apporter la preuve de leurs allégations’’. Mais vu l’ampleur des réactions de colère et d’indignation à travers le monde et le pays, Kinshasa se voit contraint d’allumer un contre-feu en concédant la nomination d’une commission d'enquête composée de hauts magistrats militaires, dans le but de  «clarifier» les actes de violences révélés par le posting vidéos circulant sur les réseaux sociaux. «Quiconque à Mbuji-Mayi ou à Kananga a été témoin ou victime des faits que l’on voit sur ces images, est appelé à les dénoncer auprès des auditeurs supérieurs près des Cours supérieures militaires de Kananga et de Mbuji-Mayi pour aider à la manifestation de la vérité », lance le gouvernement, dans un appel à témoin.

Il faut dire que nous sommes bien dans un registre bien caractéristique du fonctionnement de l’Etat en RDC. Depuis tous les cas mentionnés plus haut, la gestion de ce type de ‘’ scandale’’ répond d’un même fil conducteur. D’abord le déni. Il a généralement un caractère médiatique. L’on voit alors le porte-parole du gouvernement engager la bataille, avec son arme favorite de la victimisation et du ‘’complotisme’’,  pour stigmatiser les puissances de nuisance qui chercheraient, par des bidonnages fumeux, à mettre à terre ‘’un pouvoir nationaliste qui dérange’’. En deuxième temps, pour calmer la tempête, vient la commission d’une enquête. Rien de tel pour tempérer les ardeurs des contempteurs de la communauté internationale. L’effet est quasi immédiat. Avec le temps, la baudruche des condamnations internationales se dégonfle aussi vite qu’elle avait pris de l’air. Comme pour dire finalement qu’en réalité les dossiers criminels soulevés ne reposaient sur aucune véracité de faits qui puissent raisonnablement être imputés à l’Etat congolais. Savoir faire le dos rond pour résister à la bourrasque et faire passer l’orage, c’est par cette stratégie que la RDC a réussi à passer par-dessus les pièges jonchant son chemin. Depuis l’affaire Chebeya, du nom de cet éminent défenseur des droits de l’homme congolais retrouvé assassiné, à la périphérie de Kinshasa, après avoir répondu à une invitation dans les locaux de la Police nationale, le pouvoir réussit à chaque fois à se tirer du mauvais pas où il est mis. L’affaire du prétendu massacre de Mwanza-Lomba, avec l’enquête qui en est née, risque fort d’en prendre le chemin. Le point commun à toutes ces enquêtes ordonnées, c’est qu’ensuite l’on n’en reparle plus. A moins que ses détracteurs considèrent tous ces griefs portés contre le pouvoir comme étant autant de banderilles plantées dans le flanc du taureau jusqu’à ce que, vidé de son sang,  il finisse par s’écrouler. Une gageure, quoi !

En attendant, c’est bien cela aussi la réalité des réseaux sociaux et des dossiers qu’ils mettent à la surface. Difficile d’aller en profondeur et de faire le suivi. Les affaires soulevées dans les médias de la mondialisation ont une durée éphémère, malgré la flamme soudaine et envahissante provoquée. Comme le feu de paille.

Mantha L.

 

Publié dans citaf

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