Enjeux politiques : Opposition et Majorité hantées par les démons de la division

Publié le par citaf

Le spectre politique de la RD Congo reste secoué par une effervescence qui ne faiblit pas, mais qui ne fait au contraire que s’amplifier jour après jour. Les invectives, plus que le débat, tournent autour des questions liées à la conquête ou à la conservation du pouvoir et au positionnement politique : tentatives intéressées de révision constitutionnelle, gestion de la fin en 2016 du mandat de Joseph Kabila, feuille de route des prochaines échéances électorales, mode de scrutin direct ou indirect pour les provinciales… Sur ces questions, l’on constate que les frontières habituelles du clivage Majorité-Opposition ne tiennent plus. Au sein de l’Opposition, l’on ne parle pas tous le même langage. De même, dans la Majorité présidentielle, les avis sont partagés. Mais, en milieu de semaine, deux faits sont venus en ajouter à la surenchère. Il s’agit, d’une part, des résolutions clôturant, jeudi 3 avril à Notre Dame de Fatima, la première Convention de la plate-forme de l’opposition politique « Sauvons la RDC », laquelle réunit le Groupe Coalition pour le Vrai dialogue de Vital Kamerhe, les Forces Acquises au changement de Martin Fayulu ainsi que quelques personnalités indépendantes et des associations de la Société civile. Il s’agit, d’autre part, de cette fronde qui se fait jour au sein de la Majorité présidentielle où le cartel La Dynamique des Partis Extraparlementaires de la Majorité Présidentielle réclame la tête d’Aubin Minaku, secrétaire général de la MP. Sauvons la RDC : le label du vrai opposant ! Les conclusions de la Convention de ‘’Sauvons la RDC’’ reposent sur un postulat : il y a dans ce pays crise de légitimité des institutions de la République résultant des élections chaotiques de 2011. Cette crise est totale et persistante. A partir de ce postulat, ‘’ Sauvons la RDC’’ propose une thérapeutique : la tenue d’un dialogue sincère, vrai et inclusif, conformément à l’Accord-cadre et à la Résolution 2098 du Conseil de Sécurité de l’Onu. S’agissant des élections, en réponse à ceux qui ont toujours accusé l’opposition de se complaire dans la stérile critique sans jamais rien proposer de concret, ‘’Sauvons la RDC’’ soumet à l’opinion un une contre-feuille de route électorale devant faire échec à celle proposée par Malumalu. Suivant cette feuille de route, les principales échéances électorales à venir s’ordonnancent comme suit : 1. Dialogue inclusif : mai 2014 2. Révision de la Loi électorale : Session de mars 2014 3. Requalification du Bureau de la CENI : Session de mars 4. Audit du Fichier électoral : 2ème Semestre 2014 5. Elaboration de la cartographie électorale : 2ème semestre 2014 6. -Elections combinées locales, municipales, urbaines, et provinciales au suffrage universel direct : 1er Semestre 2015 -Elections des Sénateurs, Gouverneurs et Vice-gouverneurs par les Assemblées provinciales : 1er semestre 2015 -Contentieux électoraux : 1er semestre 2015 7. Elections présidentielles et législatives : Septembre 2016 8. Contentieux électoraux : Octobre et Novembre 2016 9. Passation de pouvoir entre le président sortant et le nouveau président de la république élu au suffrage universel direct : 15 décembre 2016 10 : Prestation de serment du président élu : 20 décembre 2016 Il va sans dire, une telle feuille de route ne vaut que ce qu’elle vaut. Pour être sûr de la validité de la planification, il faudra passer aux détails du calendrier et du chemin critique des élections, lesquels doivent tenir compte de : l’alignement des opérations dans le temps, avec une attention rigoureuse sur celles qui ne peuvent pas se chevaucher, le respect des délais prescrits par la loi électorale, les délais de confection notamment des listes des candidatures et des bulletins, les questions de logistique pour l’acheminement dans les délais des matériels électoraux sensibles dans les Bureaux de Vote . Il faut aussi prendre en compte le coût de toutes ces opérations. Mais encore, le budget de l’Etat pourra-t-il faire face, sur une période aussi ramassée de 6 mois, à la tenue des élections combinées locales, municipales, urbaines et provinciales, mais aussi sénatoriales, des gouverneurs et des Vice-gouverneurs ? Il est fort à craindre que les techniciens des élections ne jugent cette feuille de route fantaisiste, irréaliste. Pour autant, au total, les assises de Fatima, tenues du 31 mars au 3 avril 2014, auront produit quelque 59 résolutions. Au nombre desquelles, sont évoqués des points tels que : la poursuite de la ‘‘Caravane de la paix’’ sur toute l’étendue du territoire national , la libération sans délai des Honorables Diomi Ndongala, Nzangi Muhindo et du le Pasteur Kutino Fernando ; la réouverture des chaînes privées de l’opposition (Canal Futur New, RLTV) … Réaffirmant leur opposition à la révision de la constitution en vigueur, les membres de ‘’ Sauvons la RDC’’ notent qu’outre l’archi-connu article 220 intouchable, il existe d’autres articles non explicitement cités mais qui sont tout aussi intouchables que le 220 car ils lui sont directement liés. Il s’agit des articles 1, 5-8, 70, 73-74, 101, 104, 197-198. ‘‘Il faudra condamner le complot ourdi à la ferme de Kingakati contre notre peuple et sa constitution et inviter le peuple à se dresser comme un seul homme contre cet énième coup d’Etat, en recourant, au besoin, à l’article 64 de la Constitution qui impose à tout congolais le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou l’exerce en violation des dispositions de la présente constitution…’’, peut-on lire dans les résolutions de Fatima. Il convient de préciser que pour le groupe à Kamerhe, le Dialogue, le vrai, n’est pas compatible avec les Concertations nationales tenues en septembre 2013 . « Les Concertations n’auront été qu’un Forum convoqué par Joseph Kabila dans le but d’élargir sa majorité par le débauchage de certains membres que l’on croyait de l’opposition afin de se partager le gâteau et modifier les dispositions intangibles de la constitution et lui assurer une présidence illimitée. Ces concertations, selon eux, ne visaient nullement la cohésion nationale, mais plutôt une entente des politiciens pour des fins égoïstes de politique de ventre et non d’intérêt du peuple » (sic). Eh bien ! Les autres opposants apprécieront ! On voit d’ici bondir les amis de l’Opposition républicaine et ceux du MLC qui ont participé aux Concertations nationales. Une telle disqualification prononcée par ‘’Sauvons la RDC’’ va sans doute occasionner dans les jours qui viennent de cinglantes répliques. Ce qui n’est pas pour renforcer le combat pour l’unité de l’Opposition. Fronde ouverte au sein de la Majorité Alors que l’Opposition parait toujours aussi déterminée à cheminer en ordre dispersé, dans la Majorité, des indicateurs de plus en plus probants démontrent que tout ne baigne pas dans l’huile. Déjà l’on savait cette plate-forme kabiliste divisée au sujet de l’initiative visant à contourner la constitution pour offrir un troisième mandat présidentiel à Joseph Kabila. Et l’on a encore vu cette semaine Sébastien Luzanga Shamandevu , porte-parole de la MP monter au créneau et lancer un dernier avertissement à certains francs-tireurs de la Majorité qui ne veulent pas se ranger et s’entêtent à désobéir au mot d’ordre de leur Autorité morale appelant à la loyauté, à la discipline, à l’unité et à la solidarité. Mais, en milieu de semaine, une lettre adressée au Secrétaire général du PPRD venait révéler que le mal était plus profond qu’il n’y paraissait. Dans sa lettre, la Dynamique des Partis Extraparlementaires de la Majorité Présidentielle, en sigle DPE/MP, invite Evariste Boshab à s'impliquer personnellement pour obtenir le limogeage du Secrétaire Général de la MP jugé défaillant. Le réquisitoire de la DPE/MP est sans appel : « Depuis environ trois ans, l'actuel Secrétaire Général n'arrive pas à constituer notre plate-forme comme un mouvement fort, compétitif et cohérent capable d'affronter la nouvelle situation politique dans le pays, conformément à l'article 2 de la Charte de la Majorité Présidentielle », assène notamment la correspondance. A la place d’Aubin Minaku, l’on revendique un successeur « réunissant les qualités de rassembleur, de loyauté et fidélité à l'Autorité Morale, d'animateur politique chevronné, de mobilisateur et respectueux des Chefs de Partis signataires de la Charte de la Majorité Présidentielle ». La lettre est signée par le Président de la DPE/MP, Sylvère Boswa Isekombe, Secrétaire général du Parti Communiste Congolais, par son Premier Vice-président, Crispin Kabasele Tsthimanga, président National de l'Union des Démocrates Socialistes, et par le Deuxième Vice-président, Me Désiré Nawej Yav, président national du Parti Conservateur des Droits Coutumiers . On le voit, toute cette effervescence politique ne dit rien qui vaille. Le consensus politique que visait l’organisation des Concertations nationales est décidément mis à mal. De même, le consensus électoral ne fait que s’éloigner. A cette allure, bientôt on ne saura plus à quoi s’accrocher. Il faut une initiative politique forte du chef de l’Etat pour arrêter de jouer le pourrissement et réaffirmer le cap républicain. Vivement le gouvernement de cohésion national, afin de remettre un peu les choses en perspective. Autrement, on va aller à vau-l’eau, tel un bateau ivre. Citaf
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