A propos d’un centenaire Le territoire de Madimba souffre d’un cancer généralisé, dixit Mme Odette Gema (II)
Ce titre est révélateur à plus d’un titre. Il est au centre des
profondes réflexions dans le camp de ceux qui se réclament ou qui se
reconnaissent dignes fils de Madimba. En consentant de prendre la
direction du comité organisateur pour fêter avec pompe les 100 ans du
territoire de Madimba, Mme Odette Gema, ministre provinciale du
Budget, s’est résolue à apporter sur la place publique les résultats
de ses cogitations personnelles en vue d’atteindre la conscience de
ses frères et sœurs du terroir. Dans une de ses adresses dans le cadre
de ce centenaire, Madame la ministre, fait sienne la grande
préoccupation du gouverneur Mbadu Nsitu autour de la cohésion
provinciale. La ministre étale une parfaite illustration de cette démarche devenue
enfin un dogme du chef de l’exécutif provincial, en soulignant qu’elle
est d’ailleurs le premier pilier du programme d’action du
gouvernement central et du gouvernement provincial du Bas-Congo car
elle impulse le développement durable.
On le sait, ce dogme a inspiré le gouverneur Mbadu dès la formation de son
gouvernement provincial, en voulant que chaque ministre soit issu d’un
territoire. Suivant cette vision, le ministre est ainsi responsable de l’exécution de la
politique et du programme d’action du gouvernement dans son
territoire, quand bien même il ne remplace pas les autorités locales
établies.
L’on comprend mieux pourquoi la ministre Odette Gema s’est
investie dans les préparatifs de la célébration du centenaire de
Madimba. Un centenaire célébré sous le thème « 100 ans après, levons-nous et reconstruisons
le territoire de Madimba, creuset de l’intelligentsia congolaise ». En
proposant ce thème, les ressortissants ont reconnu qu’après un
diagnostic sans complaisance, ce territoire, jadis prospère à tout
point de vue, est en régression. Il a perdu de sa splendeur et ses
ressortissants ont été atteints physiquement, moralement,
économiquement et spirituellement.
Voilà pourquoi, souligne la ministre Gema, cette rencontre a été
rendue nécessaire car il faut ensemble retrouver les facteurs de la
reconstruction. Mme Gema estime que pour reconstruire ce territoire,
ses ressortissants doivent se réunir, se mobiliser, refaire l’unité et
retrouver la cohésion. En réalité cela entre bien dans l’ADN du Bas-Congo qui est une province, une culture, une langue avec un même
ancêtre. Plusieurs expressions symbolisent cette vérité : « Mika mia
mbwa, lekila kumosi, vumbukila kumosi ; makuku matatu ma tedimisa
nzungu ; kinsu ki mate nwa ye nwa ». D’où, cet appel de la ministre
provinciale du Budget à ses frères et sœurs du terroir à essayer de
ramener le compteur à zéro pour toutes les antivaleurs et à porter le curseur à100 % pour
les valeurs.
Les pistes pour la reconstruction de Madimba
« Pour reconstruire Madimba, dit-elle, nous devons
célébrer, nous rappeler, nous référer à nos aînés, nos ancêtres. Eux
qui ont su exploiter à bon escient toutes les valeurs positives. Eux
qui ont su se reconnaître en leurs frères et sœurs. Eux qui ont su
s’effacer au profit d’un frère plus méritant et capable de ramener la
victoire à toute la famille ». Aujourd’hui, toutes ces valeurs ont
disparu, s’indigne-t-elle la main sur le cœur, tous voulant être en
première ligne, même quand on sait qu’on porte en soi l’échec.
Autres préalables qu’avance Mme Gema pour reconstruire Madimba : la
relance de l’éducation pour une instruction de qualité. Le territoire
a produit des hommes et des femmes de valeur. Des hommes de Dieu, des
professeurs, des assistants médicaux, des médecins, des agronomes, des
infirmiers qui ont fait la fierté des familles madimbadiennes. Alors
qu’aujourd’hui, parents, enfants et autorités se détournent de
l’éducation. Les filles, errant autour des marchés, déplore Mme Gema
non sans une pointe d’humour, sont plus analphabètes que leurs
grands-mères ou leurs arrières grands-mères. Le temps est donc venu,
estime la ministre provinciale, de donner les mêmes chances à nos
enfants, et surtout d’investir dans la fille.
Une relecture objective du contexte socio-économique et politique
actuel est aussi nécessaire pour reconstruire Madimba, territoire qui
a vu émerger, il y a quelques années, des entreprises, une coopérative
et des banques. Aujourd’hui, il se retrouve démuni, avec une
contribution insignifiante au budget de la province, constate-t-elle.
Une relance de ces activités est nécessaire.
Madimba a aussi besoin de la promotion de la culture et de la langue
pour sa reconstruction, car son développement passe par là, par le
changement des mentalités et par sa langue qu’il faut sauvegarder.
Revenir à Dieu, en le mettant à sa place, c’est ce que recommande
aussi la ministre Gema à ses frères et sœurs de Madimba. Après avoir
constaté notamment que Kisantu, qui était un lieu de spiritualité, est
gangréné aujourd’hui par des antivaleurs pendant que la pauvreté s’y
est installée. Il faut absolument rebondir pour les chasser,
recommande avec insistance et d’une voix de mère Madame la ministre.
Voilà donc l’essentiel du programme présenté par la ministre
provinciale du Budget, occupant le prestigieux poste de présidente du
comité d’organisation du centenaire. Ce programme sera exploité tout
au long de diverses manifestations qui marqueront le centenaire. Tous
les originaires ainsi que tous ceux qui se reconnaissent en Madimba
sont appelés à participer à ce débat qui a commencé le 20 septembre
2014 et qui se poursuivra jusque le 15 décembre 2015.
Des faits historiques probants et un potentiel impressionnant
En plus des faits historiques évoqués dans notre
reportage publié dans la dernière édition, il faut aussi prendre en
compte les considérations suivantes qui ne manquent pas d’intérêt. En
attendant que les Madimbadiennes et les Madimbadiens se ressaisissent,
à la lumière des recommandations pertinentes de Mme Gema entre autres,
il y a lieu de retenir que ce vaste territoire recèle des richesses du
sous-sol ainsi que l’a relevé pour sa part l’administrateur du
territoire Faustin Kiyongo ki Miaka. Madimba regorge notamment des minerais de cuivre
et de zinc dans le secteur de Ngufu et de fer dans le secteur de
Ngeba. Ces richesses n’attendent que d’être exploitées et valorisées.
On y trouve aussi des sources d’eaux thermales dans la contrée de
Mbamba-Kilemba.
Du point de vue de l’éducation, le territoire de Madimba compte 207
écoles primaires, 152 écoles secondaires, 7 instituts supérieurs et
universitaires, 6 centres de promotion sociale, 8 structures sociales
confessionnelles, 9 centres sociaux d’initiative privée et 2
orphelinats.
Sur le plan de la santé, Madimba compte 3 zones de santé rurale, avec
3 hôpitaux de référence : Kisantu, Nselo et Ngidinga.
L’administrateur Kiyongo ki Miaka a retenu, à l’actif de ce
territoire, quelques faits saillants suivants qui ont marqué la
destinée du pays :
- Madimba est le premier territoire créé sur toute l’étendue de la RDC ;
- Il est le premier territoire qui a donné le premier évêque noir du
pays, en la personne de Mgr Pierre Kimbondo ;
- C’est dans le territoire de Madimba que la contribution personnelle
minimum (CPM) avait commencé à être payée ;
- C’est dans ce même territoire qu’en 1925 la première université du
pays avait été créée et installée à Kisantu.
Autres faits saillants retenus:
- En 1959, la population de ce territoire avait posé un acte de
bravoure de portée nationale en supportant les honoraires de Maître
Croquez, avocat international français qui avait plaidé pour la
libération des leaders de l’ABAKO, premier parti politique ayant vu le
jour dans le pays et lutté pour la cause de l’indépendance de notre nation ;
- Le premier kit électoral pour les élections de 2006 fut réalisé à
Ngeba dans le territoire de Madimba ;
- Feu Père Boka et feu Lutumba, auteurs compositeurs des deux
hymnes nationaux du pays, le « Débout Congolais » et « la Zaïroise »,
sont tous deux fils du territoire de Madimba.
On le voit, dans le « makuku ma tatu », la Lukaya occupe une
place de choix qu’il faut absolument revaloriser. C’est à la fois un
pari et un défi que le Mukongo doit relever. Son destin glorieux en
dépend.
A.N.M.