Hissène Habré : Le procureur requiert la perpétuité

Publié le par cité africaine

Le procès de l’ancien Chef de l’Etat du Tchad, Hissène Habré, ouvert le 20 juillet 2015 à Dakar (Sénégal), devant la Chambre africaine extraordinaire (CAE), un tribunal constitué spécialement pour juger l’ex-Président africain, s’achemine vers la fin.

Au cours des audiences, l’ancien maître de Ndjamena, accusé notamment de crimes contre l’humanité et de violations des droits de l’homme durant son règne entre 1982 et 1990, est resté muet comme une carpe, distant et hautain. Il a même récusé ses avocats commis d’office, qualifiant le tribunal d’ « organisme illégal, hors la loi ».

Une centaine de témoins et de parties civiles se sont en effet succédé à la barre, dont le dernier, le 15 décembre, le seul cité par la défense, s'est retourné contre l'accusé. Celui-ci, tout de blanc vêtu et enturbanné, a suivi, imperturbable et sans bouger de son siège, le réquisitoire du ministère public représenté par le procureur spécial Mbacké Fall.

Après les audiences de la Cour, qui ont duré plusieurs mois, la parole a été accordée, le mercredi 10 février 2016, au représentant du ministère public pour son réquisitoire.

Pas de circonstances atténuantes

M. Mbacké Fall, le procureur spécial de la CAE, a requis une condamnation à l'emprisonnement à perpétuité pour « crimes contre l'humanité et crimes de guerre ». L’acte d’accusation ne comprend cependant pas les charges de viol et d’esclavage sexuel, même si, au cours du procès, des femmes victimes de violences sexuelles avaient témoigné, soutenues par l’ONG Human Rights Watch.

« Au regard des éléments de preuve apportés et discutés aux débats, il y a lieu de retenir la culpabilité d’Hissène Habré des chefs de torture, crime autonome, crimes contre l’humanité et crimes de guerre », a précisé le procureur spécial. Celui-ci a expliqué sa conviction au regard « de l’ampleur des dommages causés aux victimes et aux membres de leurs familles ». « Hissène Habré mérite une condamnation à la hauteur des crimes dont il est déclaré coupable. Sa position d’autorité suprême face à la vulnérabilité des victimes qu’il avait la charge constitutionnelle de protéger fait qu’il ne peut pas bénéficier de circonstances atténuantes », a indiqué le magistrat sénégalais dans son réquisitoire de près de sept heures.

D’après le procureur spécial Fall, la condamnation de M. Habré devrait être assortie de la confiscation de tous ses biens saisis pendant la procédure. Le procureur spécial a également qualifié le silence de l’accusé pendant le procès de « lâcheté envers les victimes et non de stratégie de défense ».

« Quelle que soit la peine qui sera prononcée à son encontre, M. Habré aura une meilleure fortune que ses victimes », a précisé M. Fall.

Ses avocats, Mes Ibrahima Diawara et François Serre, ayant boycotté le procès, sur ordre de leur client, suivaient eux le réquisitoire du parquet spécial, dans les rangs du public.

« Je ne peux pas m’étonner que le procureur ait requis la perpétuité. A partir du moment où il devait répondre, notamment, d’accusations de crimes contre l’humanité, il n’allait pas plaider pour une condamnation à 5 ou 10 ans », a déclaré Me François Serre.

Il est à noter toutefois que dans ses conclusions, la défense d’Hissène Habré, l’ancien président mérite l’acquittement car, les preuves n’auraient pas démontré au-delà de tout doute raisonnable que l’accusé porte une responsabilité pénale individuelle dans les crimes commis par des subalternes zélés.

Un procès historique

Selon les observateurs, la décision osée du Sénégal d’abriter une juridiction spéciale pour juger l’ex-Président tchadien constitue, à n’en point douter, une première dans les annales de la justice africaine, un acquis de taille et un catalyseur pour une justice égalitaire.

Certes, le tribunal spécial agit sur la base du principe de la compétence universelle. Mais ce procès devant la Chambre africaine extraordinaire et au cours duquel un ancien Chef d’Etat est jugé dans un autre pays africain, est bel et bien une première dans le monde et un enseignement utile et édifiant.

En acceptant de l’organiser, le Sénégal assume la défense de toute l’Afrique contre l’impunité, le but étant d’asseoir les bases solides d’une justice forte, un secteur vital pour le continent.

Ce procès sert en quelque sorte de test dans la lutte contre l’impunité en Afrique, où la Cour pénale internationale (CPI) n’a plus bonne presse, accusée de ne poursuivre que des dirigeants africains.

Hissène Habré est en détention depuis le 30 juin 2013 au Sénégal, où il avait trouvé refuge en décembre 1990, après avoir été renversé par l'actuel président tchadien Idriss Deby Itno. Le verdict de son procès est attendu fin mai prochain.

R.M.

Publié dans citaf

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