Message de paix des Pères spirituels des Confessions religieuses de Boma

Avec à leur tête l’évêque de Boma, Mgr Cyprien Mbuka, les responsables des confessions religieuses de Boma viennent de publier un message collectif en vue de promouvoir la paix en République Démocratique du Congo ainsi que dans les cœurs et les esprits. Le message est signé par les représentants des confessions ci-après : l’

Prenant appui sur les textes sacrés, les pères spirituels notent : ‘’ Respirant le même air, illuminés par le même soleil, arrosés par la même pluie, au-delà de nos divergences diverses et légitimes, si nous voulons vivre ensemble en frères et sœurs, nous sommes condamnés à partager nos joies et nos peines ; nous n'avons pas d'autre choix que de bâtir une paix durable. Oui, nous dit la Parole de Dieu, ‘’recherchons la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra l'Éternel’’ (lettre aux Hébreux, 12, 14).

Les pères spirituels affirment également que ‘’la paix est donc avant tout un don de Dieu offert aux hommes ; mais un don à cultiver, car réaliser la paix entre les hommes est une entreprise difficile ; c'est un processus de longue haleine ; bâtir la paix requiert un engagement acharné, jour et nuit ; il faut s'adonner et veiller à ce qu'aucune racine amère ne se mette à pousser, à cause du trouble et à infecter ainsi la société; « car l'œuvre de Dieu n'est pas le désordre mais la paix’’.

Le message s’achève sur une série de recommandations : aux politiciens et gouvernants, aux hommes et femmes de droit, aux hommes et femmes en uniforme, mais aussi à tous et à chacun de nous. Car, disent ces hommes de Dieu :’’ la paix n'est pas quelque chose que nous devons attendre des gouvernants, de l’ONU ou de la communauté internationale seuls, il appartient à la population de la travailler à la base, et de la vivre dans les petits secteurs de la vie’’.

Des informations en notre possession indiquent que la population et les autorités provinciales ont accueilli favorablement ce message. L’on fait observer aussi que les confessions religieuses ont toujours été d’un apport appréciable dans la contrée de Boma dans la promotion du développement et du vivre en paix.

Ci-dessous le message poignant des pères spirituels des confessions religieuses de Boma.

‘’Chers frères et sœurs,

1. Nous, Pères spirituels des églises chrétiennes et de la communauté musulmane de Boma, conscients de notre mission de pasteurs choisis et envoyés pour guider nos fidèles, après prières, réflexions et partage dans la vérité, vous adressons ce message de paix à vous nos fidèles, mais aussi à tous ceux qui croient en Dieu comme Créateur et Père, origine de notre vie et finalité de notre marche sur terre et à tout homme de bonne volonté, pour soutenir votre espérance souvent éprouvée surtout en ces temps de crises multiformes. Un amour jaloux pour vous nous dévore[1]. Comme nous le recommande la Parole de Dieu, nous voulons redresser les mains défaillantes et les genoux chancelants, afin que le boiteux ne s'estropie pas, mais plutôt guérisse[2].
2. Respirant le même air, illuminés par le même soleil, arrosés par la même pluie, au-delà de nos divergences diverses et légitimes, si nous voulons vivre ensemble en frères et sœurs, nous sommes condamnés à partager nos joies et nos peines ; nous n'avons pas d'autre choix que de bâtir une paix durable. Oui, nous dit la Parole de Dieu, recherchons la paix avec tous, et la sanctification sans laquelle personne ne verra l'Éternel[3].
3. La quête de la paix est une valeur fondamentale de nos différentes religions, chrétienne et musulmane. Pour les chrétiens comme pour les musulmans, la paix façonne les convictions et oriente les vies. À la naissance de Jésus, Fils de Dieu, c'est la paix qui est annoncée aux hommes : « Paix sur la terre aux hommes de bonne volonté »[4]. À la résurrection du Christ d'entre les morts, c'est aussi la paix qui est donnée aux apôtres : « la paix soit avec vous »[5]. Au moment de quitter ses disciples pour retourner vers son Père, c'est encore la paix que Christ leur laisse : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix »[6]. De même, pour la communauté musulmane, l'Islam est une religion qui invite les peuples à la paix, car le mot « islam » lui-même est étymologiquement lié à la paix : «asalam » en arabe.
4. La paix est donc avant tout un don de Dieu offert aux hommes ; mais un don à cultiver, car réaliser la paix entre les hommes est une entreprise difficile ; c'est un processus de longue haleine ; bâtir la paix requiert un engagement acharné, jour et nuit ; il faut s'adonner et veiller à ce qu'aucune racine amère ne se mette à pousser, à cause du trouble et à infecter ainsi la société[7] ; « car l'œuvre de Dieu n'est pas le désordre mais la paix »[8].

Pour construire la paix, il nous faut vaincre notre égoïsme

1. La paix ne peut se construire lorsqu'on reste indifférent à la souffrance de l'autre en pensant que ce qui lui arrive ne nous concerne pas. Il n'y a pas de paix véritable qui ne soit accompagnée d'un partage équitable des richesses et revenus du pays, et d'un engagement de tous à promouvoir ces richesses et ces revenus. Si l'État doit gérer avec honnêteté et compétence les différents revenus du pays afin de répondre efficacement aux différents besoins de la nation par un partage équitable à travers les structures mises en place à cette fin, la population, les entreprises doivent en revanche s'acquitter de leurs obligations comme par exemple payer les taxes et les impôts. Manquer à ses obligations civiques ou à ses devoirs professionnels ou politiques relève de l'égoïsme. Cette attitude induit des frustrations et de la convoitise, lesquelles engendrent un climat d'insatisfaction qui, tôt ou tard, débouchera sur des conflits violents et de l'insécurité entre personnes, et ainsi troubler la paix. D'où, l'importance morale et juridique pour chaque citoyen, tant individuellement que collectivement et institutionnellement, de faire tout pour que les institutions républicaines fonctionnent correctement telles que prévues par la Constitution, gage de notre pacte social et « gardienne de la paix nationale».

Pour construire la paix, il nous faut être des hommes et des femmes de rassemblement

1. L'attention compatissante à l'autre et à sa situation conduit au rassemblement ; celui-ci favorise la communion, le respect mutuel, la solidarité, l'unité, l'impartialité : valeurs matrices de la paix. Un rassemblement authentique sécrète la passion pour le bien commun ; le sens de l'honneur et de la fidélité à la parole donnée ; le respect des règles du jeu républicain ; le souci pour la vérité, la sincérité et l'honnêteté ; l'acceptation du compromis pour le bien commun ; et le rejet de l'orgueil et de la vantardise.

Pour construire la paix, il nous faut respecter l'environnement

1. La paix est un don de Dieu mais cultivé par les hommes. Même en l'absence des guerres entre les peuples, la paix sociale pourrait être profondément troublée, voire impossible si par notre action nous rendions notre environnement hostile à notre propre vie. Les inondations dans nos centres urbains sont dues, en grande partie, à notre comportement irresponsable : manque d'urbanisation, constructions anarchiques, voiries urbaines en désordre et mal gérées, déchets et ordures jetés partout et n'importe comment, etc. Les dégâts causés par les inondations, pertes en vies humaines, en biens meubles et immeubles, déstabilisent et aggravent les inégalités sociales qui induisent l'insécurité sociale. Bien plus, l'insalubrité dans laquelle nous nous sommes accoutumés, provoque de nombreuses maladies entraînant parfois la mort. Tout cela n'est pas de nature à favoriser la paix dans notre milieu de vie car les maladies ou la mort sont souvent causes de déstabilisation économique dans nos familles et de perturbations sociales

Chers frères et sœurs,

1. Comme on le voit, la paix est un vaste édifice à construire et auquel chacun doit apporter sa pierre. Mais, il y a des acteurs qui doivent néanmoins être interpellés plus que d'autres à cause de leur rôle d'avant-garde et de leur position stratégique dans la vie d'une nation.

1. Aussi, recommandons-nous fermement :

À nos frères et sœurs politiciens et gouvernants

Nous vous accompagnons dans votre lourde tâche par nos incessantes prières. Nous sommes reconnaissants envers le Chef de l'État et le Gouvernement pour les efforts visibles de pacification de notre pays surtout dans les zones à conflits armés récurrents. Mais, comme vous le savez, la paix est un trésor précieux que nous portons dans un vase fragile. Il y a encore du chemin à parcourir. C’est pourquoi, frères et sœurs politiciens et gouvernants, faites de la politique un lieu d’unité et de communion, et un service à la Nation. Il en va de votre dignité et de la dignité de notre Nation. Comme Salomon, ne demandez pas au Seigneur richesses, possessions ou gloire, mort de vos adversaires ou longue vie pour vous-mêmes, mais sagesse et bon sens afin de bien gouverner le peuple[9]. A l'instar du roi Salomon dont le nom signifie « paix », soyez des hommes et des femmes de paix, sous toutes ses formes. Mettez les intérêts de la Nation au-devant de tout intérêt personnel ou de tout calcul de positionnement actuel ou à venir. Évitez des calomnies, de la médisance, des paroles blessantes, des propos qui occultent des intentions malveillantes ou qui relèvent des préjugés. « O vous qui avez cru ! Évitez de trop conjecturer (sur autrui) car une partie des conjectures est péché. Et n’espionnez pas ; et ne médisez pas les uns des autres. L’un de vous aimerait-il manger la chair de son frère mort ? (non !) Vous en aurez horreur. Et craignez Allah (Dieu). Car Allah est grand, accueillant au repentir. Très miséricordieux »[10] Cultivez la tolérance et le compromis pour le bien commun. L'acceptation de l'autre dans ses idées ou options politiques différentes est une valeur fondamentale de la culture démocratique. Les différences doivent être capitalisées pour l'enrichissement et le progrès de la Nation. Cela suppose : vérité ; respect mutuel ; refus de l'arbitraire ; rejet de la flatterie, de la démagogie et du préjugé. Enfin, sachez que la corruption favorise le népotisme, le tribalisme et le régionalisme ; elle aggrave la situation d'insécurité sociale et génère les tensions.

Aux hommes et femmes de droit

Vous vous êtes engagés à dire le droit, à défendre les causes justes, à restaurer la dignité ou la liberté de ceux dont ces valeurs fondamentales se voient menacées, résistez à la tentation de mettre en avant plan le profit personnel. La justice constitue le premier recours et dernier secours face aux menaces de l'arbitraire ou la violence du plus fort. Si la justice ne peut pas sécuriser les citoyens, elle encouragera, sans le savoir, d'un côté ceux qui violent la loi à poursuivre leur ménage et de l'autre, les victimes de ces violations, à se faire justice à leur manière : le tout entraîne une spirale de violence où la paix sociale est définitivement perdue. Il est donc nécessaire que vous mettiez votre conscience dans cet exercice de la construction de cet édifice qu’on appelle la paix, de dire ou de défendre le droit comme il convient afin que toute personne vivant en RD Congo se sente sécurisée.

Aux hommes et femmes en uniforme

Militaires, policiers, agents de l’ordre et de sécurité, vous qui avez choisi de servir sous le drapeau en vous investissant à la sécurisation des personnes et de leurs biens, nous comptons sur vous. Ce choix constitue une véritable vocation et une grande responsabilité car toute la paix sociale repose entre vos mains et dépend de vos compétences. Notre Province, le Kongo Central, est reconnue historiquement pour ses valeurs de paix, de solidarité et d'hospitalité. Notre époque gère mal ces valeurs. En effet, les phénomènes dégradants et déshumanisants tels que « kuluna », « Tshell » et « shégue » ont aisément élu domicile chez nous et, suivant leur mode d'action, finissent par installer un climat de peur et d'insécurité dans nos milieux de vie. Rétablissez la sécurité, rhabillez le Kongo Central de sa robe légendaire de paix et de sécurité. Ne faites ni violence ni tort à personne, et contentez-vous de votre dû conformément à la loi[11]. N'utilisez pas contre la population votre positionnement d'homme ayant la force et le pouvoir coercitif pour basculer dans l'oppression ou l'agressivité.

À nous tous

La paix n'est pas quelque chose que nous devons attendre des gouvernants, de l’ONU ou de la communauté internationale seuls, il appartient à la population de la travailler à la base, et de la vivre dans les petits secteurs de la vie. Quelle paix attendre des gouvernants si dans nos foyers nous sommes tout le temps en dispute ? Quelle paix attendre de l’ONU si dans nos familles nous rejetons les enfants orphelins en les renvoyant dans la rue ? Quelle paix attendre de la communauté internationale si dans nos relations interpersonnelles il n'y a aucune compassion, aucun pardon, aucune réconciliation ? Quelle paix durable espérons-nous vivre si nous gérons mal l'environnement : insalubrité, constructions anarchiques ? Ne nous exposons-nous pas aux maladies et aux tensions en nous-mêmes et entre nous ? Quelle paix durable espérons-nous vivre si nous gérons nos terres et nos parcelles sans la moindre référence aux prescrits de la loi ? Ne nous exposons-nous pas aux interminables querelles devant les cours et tribunaux ?

Bien chers frères et sœurs

La paix n'est pas à confondre avec la lâcheté, la résignation, la passivité ou la naïveté. À cause de la paix, ne nous taisons pas. Les armes ne sont jamais une option appropriée « Tous ceux qui prennent le glaive périront par le glaive », dit le Seigneur[12]. Seule la paix constitue une voie de sortie favorable. La parole de l'éternel dit : cherchons la paix et poursuivons-la à tout prix[13] ; travaillons pour la paix et pour ce qui nous aide à grandir ensemble[14] ; ayons pour objectif la paix avec tous, car sans elle on ne peut voir le Seigneur[15]; « ceux qui travaillent pour la paix sèment dans la paix et récoltent le bien »[16]; « heureux ceux qui sèment la paix, ils seront appelés enfants de Dieu »[17].

Ainsi, que chacun de nous accepte de perdre une partie de son intérêt afin de faire gagner la République Démocratique du Congo. Que chacun apprenne à maîtriser ses rancunes et ses colères en donnant tendrement la main à celui qui détourne son regard : « Ne rendez pas le mal pour le mal, recherchez ce qui est bien devant tous les hommes. S’il est possible, autant que cela dépend de vous, soyez en paix avec tous les hommes »[18]. Pour faire la paix, il faut être deux : soi-même et le voisin d’en face ; ainsi, soyons nous-mêmes artisans du changement que nous voulons voir dans le monde : les conflits prennent naissance dans l’esprit des hommes, c’est dans l’esprit des hommes qu’il faut élever les défenses de la paix.

Que chacun de nous fasse sienne cette demande d'un homme de Dieu :

« Seigneur,

Fais de moi un instrument de PAIX !

Là où il y a la haine, que je mette l'amour

Là où il y a l'offense, que je mette le pardon

Là où il y a la discorde, que je mette l'union

Là où il y a l'erreur, que je mette la vérité

Là où il y a le doute, que je mette la foi

Là où il y a le désespoir, que je mette l'espérance

Là où il y a les ténèbres, que je mette la lumière

Là où il y a tristesse, que je mette la joie

0 Maître,

Que je ne cherche pas tant

A être consolé qu'à consoler

A être compris qu'à comprendre

A être aimé qu'à aimer

Car c'est en donnant qu'on reçoit

C'est en s'oubliant qu'on trouve

C'est en pardonnant qu'on est pardonné,

C'est en mourant qu'on ressuscite à l'éternelle vie ».

Fait à Boma, le 29 janvier 2016

Pères spirituels des Confessions religieuses signataires

• Armée du salut
• CBFC (Communauté Baptiste du Fleuve Congo)
• CEAC (Communauté Évangélique de l’Alliance au Congo)
• CEC (Communauté Évangélique au Congo)
• Chapelle du calvaire
• Communauté musulmane
• Église anglicane
• Église catholique
• Église du Réveil du Congo
• Église Kimbanguiste
• Église Luthérienne confessionnelle
• Église Luthérienne évangélique’’

[1] Jn 2, 17.

[2] Lettre aux Hébreux 12, 12.

[3] Lettre aux Hébreux 12, 14.

[4] Lc 2,14.

[5] (Jn 20,19).

[6] Jn 14, 27.

[7] Lettre aux Hébreux 12, 15.

[8] 1 Co 14, 33.

[9] 2 Ch 1, 11.

[10] Sourat Al-hujurat, verset 12.

[11] Lc 3, 14.

[12] Mt 26,52.

[13] Première Lettre de Pierre 3, 11.

[14] Lettre aux Romains 14, 19

[15] Lettre aux Hébreux 12, 14.

[16] Lettre de Jacques 3, 18.

[17] Matthieu 5, 9.

[18] Lettre de Paul aux Romain, 12,17-18.