Jean-Pierre Bemba La chute inattendue !

Publié le par cité africaine

La Chambre de première instance III de la Cour pénale internationale (CPI) a condamné hier lundi à l’unanimité le sénateur Jean Pierre Bemba, Vice-président honoraire de la République Démocratique du Congo, pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre perpétrés en République centrafricaine (RCA). Jean Pierre Bemba a donc été reconnu pénalement coupable en tant que supérieur hiérarchique des crimes commis en 2002 et 2003 par des soldats du MLC en terre centrafricaine.

Après le prononcé du jugement, la FIDH et ses organisations membres en République Centrafricaine, la LCDH et l’OCODEFAD, ont publié la déclaration suivante : ‘’ Nos organisations se félicitent vivement de ce verdict historique de la CPI qui, pour la première fois, condamne un accusé, en tant que supérieur hiérarchique, pour viols et insiste sur l’importance de ce jugement pour les milliers de victimes qui ont longtemps attendu que justice leur soit rendue. Jean-Pierre Bemba a été reconnu coupable de viols, assassinats et pillage en sa qualité de commandant militaire du Mouvement de Libération du Congo. L’importance de ce verdict découle de deux précédents importants qu’il établit. En premier lieu, il s’agit de la première affaire à la CPI qui concerne essentiellement les crimes de violence sexuelle, dont le viol qualifié crime de guerre et crime contre l’humanité. Les crimes de violence sexuelle contre les femmes, les hommes et les enfants ont été utilisés comme un moyen de terroriser la population civile centrafricaine. Ensuite, et pour la première fois, les juges ont considéré que l’accusé devait être tenu pénalement responsable en tant que commandant militaire pour les crimes commis par les troupes agissant sous son contrôle. Nos organisations appellent tous les Etats parties à contribuer au Fonds au profit des victimes de la CPI et coopérer avec la Cour en veillant à ce que les victimes reçoivent les réparations adéquates et intégrales auxquelles elles ont droit en raison des crimes graves soufferts’’.

« La condamnation de Bemba envoie un message puissant aux auteurs de crimes internationaux : quelque soit leur fonctions, ils ne peuvent échapper à la justice et seront tenus responsables de leurs crimes », indique Karim Lahidji, président de la FIDH.

« L’importance primordiale de ce verdict ne peut être surestimée. Il constitue un pas supplémentaire sur le chemin de la justice pour les victimes de crimes de violence sexuelle car il s’agit de la première condamnation pour ces crimes devant la CPI. Ce procès a contribué à sensibiliser sur les conséquences de ces crimes atroces sur les victimes et leur vie », note pour sa part Maître André Olivier Manguereka, président de la LCDH

Il convient de noter que la défense dispose désormais d’un délai de 30 jours pour faire appel du jugement. La Chambre de première instance doit désormais déterminer la peine applicable et décider des réparations pour les victimes qui incluent la restitution, l’indemnisation et la réadaptation.

Plus que les meurtres et les pillages, ce sont en effet des viols systématiques, y compris d'hommes et d'enfants, qui constituent le cœur de l'accusation. Plus de 5 200 victimes ont d'ailleurs obtenu d'être parties au procès, un record à la CPI.

Désolation totale et pleurs au MLC et à Kinshasa

A Kinshasa, la désolation est totale au MLC et auprès de la plupart de Congolais. L’on s’attendait généralement que Jean Pierre soit acquitté.

L’on ne comprend toujours pas, au vu du dossier et à suivre le déroulé des témoignages à charge et à décharge durant la procédure, comment l’on peut en arriver à condamner pour négligence un chef militaire qui n’en était vraiment pas un au sens opérationnel, vu que les troupes MLC étaient sous commandement centrafricain et que Bemba se trouvait loin du théâtre du drame. La défense avait pu démontrer que Jean-Pierre Bemba n'aurait pas pu garder "le contrôle opérationnel effectif" de ses soldats, qui ne faisaient pas partie de l'armée régulière et qui se trouvaient dans un autre pays. De plus, l’accusation n’avait, durant la procédure, fourni "aucune preuve matérielle d'un ordre venant de M. Bemba vers ses troupes en Centrafrique", avait déclaré l'une de ses avocates, Kate Gibson, lors de sa plaidoirie, insistant que "les thèses de l'accusation n’étaient que des hypothèses’’.

Hier lundi, à l’interfédérale de Kinshasa, les militantes et militants du MLC attendaient avec optimisme la sentence de la CPI, avec sifflets et rameaux, prêts à faire la fête et le maximum de bruits à la gloire de leur leader réhabilité.

Mais, voilà, le verdict est tombé. Il est très défavorable à Bemba. La condamnation en fait un repris de justice. Il est de ce fait exclu qu’il puisse éventuellement se présenter à l’élection présidentielle. D’abord parce qu’il va demeurer en prison. Ensuite parce que, même si la peine qui sera fixée était telle qu’elle soit absorbée par les 8 ans que Bemba vient de passer à La Haye, aux termes de la loi électorale de notre pays, son statut de condamné l’exclut des joutes électorales pendant de longues années. On peut gager qu’avec cette condamnation la donne politique change totalement aussi bien au sein du MLC que de la classe politique congolaise. Du côté de l’Opposition, malheureusement, le jeu se clarifie au détriment du MLC qui va devoir nouer de solides alliances pour faire porter ses valeurs et ses espoirs par un candidat qui puisse réellement compter. Que va devenir le MLC, après cette chute inattendue mais définitive de son champion ? C’est une période d’incertitudes qui s’ouvre pour le mouvement qui a déjà tant souffert des défections de ses cadres. Voilà pourquoi il y a eu tant de pleurs et de désespoir dans les rangs de ces militantes et militants qui venaient d’achever trois jours de prières en vue de confier le sort du chairman entre les mains de l’Eternel car ‘’ avec Dieu, nous vaincrons’’ !

Rappel des faits
En 2002, le Président en exercice de Centrafrique Ange Félix Patassé avait demandé au groupe armé dirigé par Jean-Pierre Bemba, Mouvement de Libération du Congo (MLC) en République Démocratique du Congo (RDC) d’intervenir en République Centrafricaine pour mater une tentative de coup d’Etat de la part de la rébellion de François Bozize, lequel deviendra plus tard président de la République, avant d’être chassé par la rébellion SELEKA en 2013. L’enquête de la CPI en RCA a été ouverte le 22 mai 2007, après que l’Etat centrafricain ait saisi le Procureur de la CPI en 2004.
Jean-Pierre Bemba a été le chef du MLC, puis vice-président de la République Démocratique du Congo (RDC). Il fut arrêté en Belgique le 24 mai 2008, puis transféré à La Haye, au centre de détention de la CPI le 3 juillet 2008.Trois chefs d’accusation pour crimes de guerre ont été retenus contre lui (meurtre, viol et pillage), ainsi que deux chefs d’accusation pour crimes contre l’humanité (meurtre et viol), du fait qu’il occupait un poste de commandement militaire.
Le procès contre Jean-Pierre Bemba s’est ouvert le 22 novembre 2010 et les plaidoiries finales se sont achevées en novembre 2014.
CITAF

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