Le débat sur le ‘’glissement ‘’ enfin à la Cour Constitutionnelle

Publié le par cité africaine

Plusieurs fois posé par les opposants et toujours esquivé par les ténors de la Majorité, voici que le débat sur l’après Décembre 2016 s’impose finalement dans sa vérité. Et ceux qui cette fois portent officiellement le débat sur la place publique, ce sont des députés nationaux de la Majorité présidentielle, les mêmes qui accusaient l’opposition de procès d’intention lorsqu’elle stigmatisait la tentative de glissement du mandat présidentiel.

En effet, un groupe de députés nationaux de la MP a pris l’initiative de saisir la Cour Constitutionnelle pour une interprétation de la Constitution, notamment en ses articles 70, 103, et 105.

La requête qui a récolté quelque 200 signatures a été effectivement déposée hier lundi à la Cour Constitutionnelle par une délégation de signataires, conduite par Ramazani Shadari, président du Groupe parlementaire PPRD et Alliés. Se confiant à la presse au sortir de leur entretien avec le président de la CC, Benoît Lwamba, l’Hon. Shadari a indiqué que son groupe a saisi la Cour autour de la juste interprétation de l’article 70, du fait que cet article donne lieu à toutes sortes d’interprétations fantaisistes de la part d’une certaine classe politique. La Cour devrait pouvoir se prononcer dans un bref délai, a souligné Ramazani Shadari.

Le fond de la question

Ces députés fondent leur action sur le droit de saisine qui leur est reconnu sur base de l’article 161 alinéa 1 de la Constitution qui stipule :‘’ La Cour constitutionnelle connaît des recours en interprétation de la Constitution sur saisine du Président de la République, du Gouvernement, du Président du Sénat, du Président de l’Assemblée nationale, d’un dixième des membres de chacune des Chambres parlementaires, des gouverneurs de Province et des présidents des Assemblées provinciales’’.

En ce qui concerne l’objet de la requête à la Cour Constitutionnelle, l’Article 70 énonce : ‘’ Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois.

A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu’’.

L’Article 103 stipule : ‘’Le député national est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. Le mandat de député national commence à la validation des pouvoirs par l’Assemblée nationale et expire à l’installation de la nouvelle Assemblée’’.

L’Article 105 prescrit : ‘’Le Sénateur est élu pour un mandat de cinq ans. Il est rééligible. Le mandat de Sénateur commence à la validation des pouvoirs par le Sénat et expire à l’installation du nouveau Sénat’’.

Pour ces députés, la disposition de l’article 70 est claire. Elle doit déclencher ses effets de la même façon que le font les articles 103 concernant les députés et 105 pour les sénateurs. Ainsi, de la même manière que les sénateurs élus en 2007 poursuivent leur mandat en bonne et due forme, sans aucune restriction, jusqu’à ce jour, en attendant l’élection et l’installation des nouveaux sénateurs, le président de la République en exercice reste en poste en gardant toutes ses prérogatives constitutionnelles jusqu’à l’élection et l’installation effective du nouveau Président de la République qui sera élu.

L’utopie d’un président intérimaire ?
Pour l’Opposition, cet article 70 ne peut pas se lire sans avoir à l’esprit l’article 73 selon lequel : ‘’Le scrutin pour l’élection du Président de la République est convoqué par la Commission électorale nationale indépendante, quatre-vingt-dix jours avant l’expiration du mandat du président en exercice’’.

Et donc, les élections ayant normalement eu lieu, le nouveau président élu étant connu, l’on peut comprendre que ‘’ le président en fonction reste en poste jusqu’à l’installation du nouveau Président de la République d’ores et déjà élu’’. Dans ce cas, le sortant ne fait pratiquement qu’expédier les affaires courantes, en attendant la séance de passation des pouvoirs avec l’entrant.
Pour l’opposition, au CAS où il n’y aurait pas élections, on tomberait dans la situation de vacance de pouvoir à la Présidence de la République. Ce qui conduirait à l’application de l’article 75 de la Constitution sur la vacance du pouvoir, lequel énonce : ‘’ En cas de vacance pour cause de décès, de démission ou pour toute autre cause d’empêchement définitif, les fonctions de Président de la République, à l’exception de celles mentionnées aux articles 78, 81 et 82 sont provisoirement exercées par le Président du Sénat’’.

Au nombre de ‘’ toute autre cause’’ d’empêchement définitif, les opposants épinglent notamment ‘’ le fait pour le président sortant d’avoir épuisé son mandat, d’être ‘’constitutionnellement invalide’’ à continuer de diriger le pays, et de n’avoir pas réussi à faire organiser les élections dans les délais constitutionnels’’.

Par ailleurs, renchérit l’opposition, la Constitution du 18 février 2006 n’a pas prévu de transition, au contraire de la Constitution de la Transition issue de l’Accord de Pretoria né du DIC de Sun City. Si ‘’transition’’ peut se concevoir aux termes de l’actuelle Constitution, c’est celle du président intérimaire, à savoir le président du Sénat, en cas de vacance de pouvoir à la présidence de la République, uniquement à l’effet d’organiser l’élection présidentielle. Et cette période ne peut pas dépasser le délai de 120 jours au maximum.

En revanche, la Majorité considère que la philosophie de l’article 75 est tout autre. Il évoque la question de l’empêchement définitif du chef de l’Etat qui peut aller du décès à la démission en passant notamment par le cas de haute trahison. Et aucun de ces cas n’est d’application en l’espèce. De plus, il se poserait, soutient la Majorité, la question de la qualité du président de l’actuel Sénat à assumer les fonctions de président de la République , vu que lui-même et ses collègues sénateurs se trouvent en situation d’illégitimité, leur mandat ayant expiré il y a déjà quelque quatre ans.

On le voit, chaque camp a ses juristes et chacun prêche pour sa chapelle. Il est de ce fait compréhensible que l’on puisse en référer à l’instance attitrée, seule constitutionnellement compétente, pour donner la vraie interprétation de ces dispositions constitutionnelles, c’est-à-dire : la Cour constitutionnelle.

La démarche des députés de la MP est d’autant plus pertinente qu’il ne faudrait pas qu’à la fin du Dialogue, les délégués viennent à s’entendre sur des actions qui en réalité violeraient la Constitution. Mais, comment, avec ce type de débat, ne pas se persuader de la nécessité d’un Dialogue politique national inclusif tel que préconisé par le président Joseph Kabila ?

CITAF

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