Comité préparatoire au dialogue national: L’Opposition pose les fondations d’une Transition politique

Publié le par cité africaine

Les tractations politiques qui viennent d’avoir lieu le week-end dernier dans le cadre du Comité préparatoire au Dialogue politique national inclusif, ont mis en lumière le jeu de poker-menteur auquel se livrent actuellement les acteurs politiques congolais. Après avoir boudé la cérémonie d’ouverture des travaux, question pour certains de ne pas s’exposer de manière prématurée aux projecteurs des caméras, la salle de l’Hôtel Béatrice où se tenaient les travaux a fini par refuser du monde dans les jours qui ont suivi, ceux qui avaient d’abord refusé d’y prendre part, s’étant brusquement inventé une bonne raison pour y participer. Alors qu’on l’annonçait non partante mardi à l’ouverture des travaux sous prétexte de manque d’inclusivité du forum, l’Opposition dite Républicaine à travers son autorité morale Léon Kengo wa Dondo a vite déboulé dans la salle vendredi, laissant entendre qu’après mûre réflexion, son groupe politique avait jugé mieux de venir imposer cette inclusivité de l’intérieur.

On aimerait bien le croire sur parole. Mais apparemment, l’intérêt soudain des politiques congolais pour ce forum présidé envers et contre tout par le médiateur togolais Edem Kodjo, trouve son explication ailleurs que dans une volonté sincère d’obtenir des concessions de l’intérieur sur les sujets qui fâchent entre les deux camps en présence. En effet, le premier compte rendu des travaux publié dès jeudi soir par la facilitation, avait de quoi mettre la puce à l’oreille des politiciens congolais, toujours prompts à flairer le gibier à mille lieues. Le compte rendu de la facilitation disait entre autres qu’au cours des discussions entre la Majorité et l’Opposition, un consensus s’était dégagé « sur la nécessité d’un accord politique et les modalités de sa mise en œuvre », ceci dans le cas où les élections ne se tenaient pas dans les délais constitutionnels. Une phrase qui, tout d’un coup, ouvrait des perspectives inattendues et rendait brusquement très attractif un dialogue que la veille encore, la plupart des acteurs politiques vouaient à une mort certaine.

Le dialogue politique, qualifié de national et inclusif, de par la foi proclamée de l’opposition elle-même, était censé se limiter à discuter d’un calendrier électoral consensuel dans le strict respect de la constitution. Voilà ce que nous répétaient jusque-là presque jour et nuit et sur tous les tons les tenants de la stricte légalité constitutionnelle. Et voilà que moins de 48 heures seulement après l’ouverture des travaux préparatoires, on discutait déjà d’un accord politique. Car derrière cet euphémisme d’ « accord politique », se cache en fait un vocable que personne à ce stade ne veut prononcer à haute voix : une gestion commune d’une transition qui ne veut pas encore dire son nom, mais qui s’est déjà incrustée dans la tête de tous les acteurs politiques congolais, qu’ils soient de droite, de gauche, du centre ou de nulle part.

Une refonte totale des alliances

Tout le monde avait compris de quoi il retournait, y compris ceux qui aujourd’hui encore, continuent de clamer par monts et vaux, leur attachement inébranlable au respect des délais constitutionnels. La rapidité avec laquelle a été discuté et conclu ce compromis montre à suffisance qu’il préexistait, dans la classe politique toutes tendances confondues, une attente brûlante d’un tel dénouement. Mais certains acteurs politiques avaient compris bien avant les autres. Des renards de surface comme Vital Kamerhe, Mokonda Bonza, Jean Lucien Bussa, ont vite flairé le gibier en montant dans le train du dialogue en gare, en dépit de la clameur populaire qui les pointait du doigt. D’autres comme Kengo wa Dondo, ont vite fait de retourner leur veste, et se sont présentés en personne sur les lieux.

On dira sans doute que des gros bras de l’opposition ne se sentent pas concernés par de tels compromis, puisque n’étant pas partie prenante à la messe de Kodjo. Mais en réalité, les choses ne semblent pas si simples que ça. Le cas spécifique de l’Udps est à titre d’exemple, le plus symptomatique de la complexité du théâtre politique congolais. Cette formation politique se trouve actuellement empêtrée dans un accord contraignant dont certains aspects secrets ne sont pas encore à la disposition du public à ce jour, qui lui enlève une bonne partie de sa liberté de manœuvre, et l’oblige à réclamer à cor et à cri la relaxe judiciaire de son co-contractant Moïse Katumbi. Mais le parti d’Etienne Tshisekedi est bel et bien présent aux travaux de l’Hôtel Béatrice à travers un de ses fidèles lieutenants, Samy Badibanga, le président du groupe parlementaire de l’Udps et Alliés.

Contrairement à l’entendement général, Samy Badibanga est un homme très proche de Félix Tshisekedi est resté très loyal de la ligne politique de son parti, tout comme du « Rassemblement », dont il épouse fidèlement les résolutions. Faute d’agir au grand jour pour des raisons des engagements pris au conclave de Genval, l’Udps l’a délégué en sous-main au dialogue comme son cheval de Troie. Tout ce qui se fera ou se défaira au dialogue national se fera avec lui, y compris un probable partage des responsabilités. A l’Udps, cette pratique de toujours mettre deux fers au feu au même moment pour parer à toute éventualité ou pour enfumer un allié politique ne date pas d’aujourd’hui, et fait partie intégrante de l’adn de cette formation politique.

Vu ainsi, l’exclusion annoncée de Samy Badibanga du Groupe parlementaire de l’Udps et Alliés apparaît comme dérisoire et anecdotique. D’abord, le parti d’Etienne Tshisekedi possède le plus gros lot de ce groupe avec plus de 30 députés, alors que ceux qui l’ont exclu, sont des gens à la tête des partis microscopiques, dont parfois ils sont les seuls et uniques élus. A l’Udps, on a souvent tendance à considérer ce genre d’alliés comme de vulgaires supplétifs, juste bons à faire du bruit et à chanter dans les médias les mérites du lider maximo. Il en va de même du côté de la « Dynamique de l’opposition » où on a rayé des listes Vital Kamerhe et Jean-Lucien Bussa. En fait, hormis l’Unc et le Mlc, qui ne se sont pas associés au « Rassemblement », cette plateforme n’était déjà plus que l’ombre d’elle-même, avec des leaders des partis dont le nombre des militants peuvent tout au plus remplir un terrain de basket-ball, à l’instar des Fonus de Joseph Olengankoy, ou du Mlp de Franck Diongo et du « Congo na Biso » de Matungulu Mbuyamu Ilankir.

La perspective d’une transition au terme du dialogue politique risque de faire voler en éclats certaines plateformes de l’opposition, qui vivaient déjà en équilibre instable, souvent pour des raisons de simple positionnement ou de vulgaires intérêts pécuniaires. Déjà, la rumeur publique fait état de la sortie imminente d’une nouvelle plateforme de l’opposition composée entre autres de l’Unc, du Mlc et de Jean-Lucien Bussa. Ce nouveau regroupement n’attendrait plus que l’aval de Jean-Pierre Bemba depuis sa cellule de prison de la Haye. A propos du Mlc justement, sept de ses quatorze députés nationaux ont siégé au Comité préparatoire du dialogue, certainement comme éclaireurs avant l’arrivée du gros de la troupe. Les mêmes tribulations règneraient ces derniers temps au sein du G7 où certains sociétaires seraient sur le point de départ. Des noms tels que José Endundo, Olivier Kamitatu ou Christophe Lutundula Apala, courent déjà la ville comme étant les premiers à quitter le navire de cette plateforme toute dévouée à la défense des intérêts de Moïse Katumbi.

Si cette information se confirmait dans les prochaines heures, cela signifierait que l’ancien Gouverneur du Katanga qui n’a pas jugé bon jusque-là de se doter de sa propre formation politique, se retrouverait amputé d’un précieux appui des leaders de l’ouest et devrait désormais composer avec un noyau restreint des acteurs de son Katanga natal. Des leaders comme Gabriel Kyungu wa Kumwanza, et Charles Mwando Nsimba ou encore Pierre Lumbi, en fait des leaders politiques qui passent aux yeux de certains observateurs comme des « has been » dont l’essentiel de l’avenir politique serait plutôt derrière eux.

Vers une transition politique

D’ici au démarrage effectif du dialogue proprement dit, ce jeudi 1er septembre, beaucoup d’eau aura sans doute coulé sous les ponts. La durée des travaux de 15 jours pour le dialogue ne semble pas avoir été choisie au hasard. La communauté internationale génitrice de la fameuse résolution 2277, y est sans doute pour quelque chose, consciente qu’elle est du fait que sans accord politique au 19 septembre, date constitutionnelle de la convocation de l’électorat, le pays allait tout droit à une conflagration. Dans les faits, l’accord politique qui s’annonce, devrait consister en une sorte de gestion collégiale de certaines institutions bien précises du pays, à l’instar du Gouvernement, des bureaux de l’Assemblée nationale et du Sénat, de la Ceni, et éventuellement, de la Cour Constitutionnelle. Mais, concernant la Cour constitutionnelle, la promulgation par le chef d’Etat de la loi portant statut spécial des magistrats près cette Cour vient en quelque sorte couper l’herbe sous les pieds de leurs détracteurs et donc sécuriser cette institution contre les appétits gloutons des uns et des autres. Sont aussi à l’abri de ce partage équilibré et équitable, les Provinces. L’on sait, de par l’arrêt R. Const. 0043/0098/107/2015 du 16 septembre 2015 de la Cour constitutionnelle sur le Kongo central que ‘’ les gouverneurs sont élus pour un mandat de cinq ans. Ils ne peuvent être remplacés que par de nouveaux gouverneurs élus à la suite de l’installation de nouvelles Assemblées provinciales elles-mêmes issues des élections’’. Au demeurant, l’arrêt R.Const. 262 du 11 mai 2016 de la Cour constitutionnelle en interprétation de l’article 70 de la Constitution a reconfirmé cette disposition en arrêtant que les mandats des sénateurs, des députés nationaux et des députés provinciaux courent jusqu’à l’installation du nouveau Sénat, de la nouvelle Assemblé nationale et des nouvelles Assemblées provinciales.

Dans la classe politique, tout le monde pense désormais à cette transition, et chacun voudrait bien y être, même parfois, au prix d’un énième reniement de ses positions antérieures. Le facilitateur togolais qui vient de côtoyer de près durant plusieurs mois la classe politique congolaise, en sait désormais beaucoup plus sur les ressorts profonds qui guident les comportements des uns et des autres dans cette faune à nulle autre pareille sur le continent noir. Dans un article que lui consacre cette semaine l’hebdomadaire Jeune Afrique dans son édition en ligne (Voir « Edem Kodjo, une passion congolaise », in Jeune Afrique.com), l’ancien Premier ministre togolais dresse, dans une sorte de bilan à mi-parcours, le portrait-robot de l’homme politique congolais dans toute sa splendeur : « Les Congolais ont une extraordinaire capacité à dire en public le contraire de ce qu’ils vous ont confié en privé ». Et d’ajouter : « Vous recevez un acteur politique. Tout se passe bien. Vous êtes d’accord. On rigole. Et à la sortie, il vous assassine ! Vous l’appelez pour vous étonner. Il s’excuse, vous demande de le comprendre, en expliquant qu’au Congo, on n’écoute que les propos excessifs ». Ambiance…

LOLO LUASU B.

Publié dans citaf

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