Le viseur: Gare au péché d’orgueil !

Publié le par La Cité Africaine

Le 19 décembre approche à grands pas. La tension monte, monte. Or, de toutes les tombes, s’élève la voix des ancêtres et des héros qui ont sacrifié leur vie au bonheur  du Congo pour nous conjurer : Il ne faut pas  livrer la RDC au chaos ! Mais, comment donc en sommes-nous arrivés là ? Faisons en le point.

Il faut bien admettre que tout découle du fait que, de façon délibérée ou non, l’élection présidentielle n’a pas été organisée dans les délais constitutionnels. Conséquence : le chef de l’Etat en exercice, arrivé à la fin constitutionnelle de son second et dernier mandat, a perdu sa légitimité électorale de continuer à diriger le pays.  D’où la nécessité d’un dialogue voulu inclusif pour parvenir à un consensus global devant légitimer le leadership et la gestion du pays après la date butoir du 19 décembre.

A partir de là, plusieurs démarches ont successivement été tentées.  Première approche : des discussions directes entre les deux forces politiques représentatives, l’une, de la Majorité, c-à-d  le PPRD de Kabila, et l’autre,  de l’opposition, à savoir l’UDPS de Tshisekedi.  Un accord en est même sorti. A-t-il permis de régler l’affaire ? Non ! Les autres forces politiques et sociales du pays ont dénié à ces deux familles politiques l’autorité d’engager et d’organiser seules le pouvoir.

Deuxième scénario, l’intervention de la Cour Constitutionnelle qui par son arrêt 262 arrêta qu’en vertu de l’article 70 de la Constitution, l’actuel président de la République restait en fonction en attendant l’élection  du nouveau président. Cet arrêt a-t-il permis de régler la question ? Non ! Toute l’Opposition, unie comme un seul homme, a rejeté cet arrêt au motif que cette Cour n’était pas au-dessus de  la Constitution pour s’autoriser à prolonger  le mandat présidentiel au-delà de sa limite constitutionnelle. Au demeurant, aux problèmes politiques, il faut nécessairement des réponses politiques et non pas juridiques.

Troisième scénario, le dialogue politique de la Cité de l’UA, où la Majorité présidentielle, une partie de la Société civile et une frange minoritaire de l’Opposition  parvinrent à signer un compromis, sous la forme de l’accord politique du 18 octobre. A-t-il permis de vider la crise ? Non.  Parce que, ce dialogue a été snobé par les forces les plus représentatives de l’opposition congolaise, le Rassemblement tshisekediste et le MLC de Jean Pierre Bemba avec ses alliés du Front pour le respect de la Constitution.  De plus, il sera, en cours de déroulement, frappé d’une sorte d’infamie à la suite des émeutes sanglantes du 19 septembre ayant fait une cinquantaine de morts. De sorte que la CENCO va quitter ce forum désormais maquillé du sang de martyrs. D’autre part, s’affichera comme une impérieuse exigence la nécessité d’obtenir un compromis plus global et plus inclusif. Les dialoguistes  estiment alors qu’il suffit aux autres d’adhérer à l’accord, demeuré ouvert.  Tel est également l’avis de l’UA et d’autres organisations sous régionales africaines. Quant à elle,  l’opposition radicale fait valoir ses divergences et  plaide pour un autre dialogue avec  les signataires de l’accord du 18 octobre  pour parvenir à une synthèse consensuelle.  C’est également cette position que soutiennent l’UE et les pays occidentaux, menés par la Troïka Etats-Unis, France, Belgique, qui n’hésitent pas de surcroit à imposer des sanctions  contre des proches du président Kabila accusés de jouer un rôle négatif. Entretemps, le fossé des incompréhensions persiste, exacerbé par détérioration dues indicateurs socio-économiques. La nomination d’un Premier ministre issu de l’opposition présente au dialogue ne permet pas non plus de faire bouger les lignes. Cependant qu’approche, le 19 décembre, la crainte d’un embrasement du pays est dans tous les esprits. Et les rumeurs les plus folles circulent en tous sens, en rajoutant à l’incertitude et à la psychose.   Que va-t-il se passer  le 19 décembre ? Sera-ce une journée ordinaire ? Oui, répondent les faucons du camp au pouvoir. Pour qui,  l’on  verra le soleil se lever comme d’habitude à l’est et se coucher à l’ouest, sans histoire. Non, croient savoir les têtes fortes du Rassemblement qui  appellent le peuple à se prendre en charge, pariant sur une éventuelle révolution populaire. Que va-t-il arriver le 19 décembre ? Rien, sans doute ! Tout, peut-être. En réalité personne  n’a à l’avance le film des événements qui vont se dérouler. Ni Joseph Kabila. Ni Etienne Tshisekedi. Seul  Dieu le sait. Voilà pourquoi, aux uns il faut dire : gare au péché d’orgueil qui pousse à croire le peuple à ce point infantilisé et  le pouvoir tellement fort que rien ne pourrait arriver de fâcheux. Et aux autres il faut dire : gare au péché d’orgueil  qui pousse à ne regarder que son nombril et  à croire que l’on est le visage du peuple.  Il faut rappeler à ceux de droite comme à ceux de gauche cette parole biblique qui prévient que ‘’l’orgueil précède la chute’’.

Aussi bien, faut-il saluer le bon choix fait par le chef de l’Etat qui, ne voulant pas laisser le vent du hasard et de l’inconnu dicter les voies de l’avenir de ce pays,  a, contre la surenchère des extrémistes de son camp, demandé à la CENCO d’achever ce qu’il lui avait demandé de faire, à savoir poursuivre ses bons offices pour concilier et réconcilier les points de vue. De fait, des négociations directes entre les deux camps antagonistes ont démarré hier jeudi. Certains y voient un subterfuge du pouvoir de créer un dérivatif permettant de désamorcer la bombe tant redoutée du 19 décembre, quitte ensuite, la tempête passée, à poursuivre le schéma mis en place par l’accord du 18 octobre. Pour d’autres, il s’agit là des pourparlers de la dernière chance. Néanmoins, pourquoi ne pas donner au chef de l’Etat quitus de sa  bonne volonté et de sa détermination à  permettre à la RDC de dénouer la crise pour voguer sur des eaux plus apaisées, au lieu de prendre le risque du chaos.  Après tout, c’est lui le garant de la nation. Et il en sera comptable devant l’histoire.

Mantha L. 

Publié dans citaf

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