La Question Présidentielle !

Publié le par citaf

Joseph Kabila et son clan politique sont-ils en train de manigancer pour violenter la constitution de la RDC et , à l’échéance 2016, offrir un troisième mandat présidentiel à l’actuel chef de l’Etat ? Alors que les dispositions de l’actuelle constitution l’en invalident ? Cette question ne laisse personne indifférent. Elle est au centre de tous les fora importants qui se tiennent ces derniers temps dans le pays. Une question qui fait débat Il y a quelques jours, le cardinal, les archevêques et évêques, membres de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (Cenco), réunis en session ordinaire de l’Assemblée plénière, du 23 au 27 juin 2014 à Kinshasa, adressaient un message au peuple congolais, en rappelant à toutes et à tous le devoir sacré de protéger la Nation. Et sur cette question spécifique de la présidentielle 2016, la CENCO est catégorique : « Protéger la Nation, c’est respecter la Loi fondamentale qui constitue le socle de la nation. C’est pourquoi, nous ne lasserons pas de rappeler au peuple Congolais et à nos gouvernants la position de la CENCO contenue dans le Mémorandum adressé au Chef de l’Etat au sujet de la non modification de la Constitution, en particulier en ses articles verrouillés qui échappent à toute révision. Tel est le cas de l’article 220 qui stipule : « La forme républicaine de l’Etat, le principe du suffrage universel, la forme représentative du Gouvernement, le nombre et la durée des mandats du Président de la République, l’indépendance du pouvoir judiciaire, la pluralisme politique et syndical ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle ». Et face aux enjeux, la CENCO prescrit aux uns et aux autres leurs devoirs. Au Parlement : « De s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un vouloir- vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple ». A la Population congolaise : « De faire preuve de vigilance pour s’opposer par les moyens légaux et pacifiques à toute tentative de modification des articles verrouillés ». Les évêques demandent même à la population, c’est-à-dire aux électeurs, de placer leurs députés et sénateurs sous surveillance pour les empêcher de s’adonner à des manœuvres astucieuses de révision de la constitution. Ils leur demandent à cet effet « d’interpeller leurs élus en leur demandant de dire leur claire option en ce qui concerne la question constitutionnelle ». Dans le même ordre d’idées, réunies en convention depuis le jeudi 3 juillet, à l’Hôtel Africana Palace, dans la Commune de Lingwala, pour une évaluation globale de la situation politique en RDC, les organisations de l’Opposition Républicaine ont aussi inscrit à leurs cogitations la Problématique de la Révision Constitutionnelle. A ce sujet, l’Opposition Républicaine dit soutenir fermement la position courageuse et clairvoyante de la CENCO. Elle rappelle par ailleurs le Conclave de Limete tenu par l’Opposition politique congolaise du 06 au 11 juillet 2013, au terme duquel l’Opposition avait pris notamment la résolution rejetant toute tentative de révision de la constitution sous le slogan : «TOUCHE PAS A MA CONSTITUTION». Par ailleurs, dans une déclaration publiée à leur siège de la Commune de Kinshasa, le mercredi 2 juillet 2014, les Forces acquises au Changement ont lancé un appel vibrant au peuple congolais afin qu’il puisse se mobiliser comme un seul Homme, pour faire échec à toute tentative de révision constitutionnelle. Elles affirment que cet appel est fait dans l’ultime but de garantir l’alternance au pouvoir. D’un autre côté, à l’instar des évêques membres de la CENCO qui étaient en session de l’assemblée plénière, les Bishops membres du Regroupement des Eglises de Réveil de la République Démocratique du Congo, RERC, sortaient également d’un congrès extraordinaire, le mardi 2 juillet. Ils ont entre autres points débattu de la‘‘ Contribution au bien-être et au mieux-être de la population congolaise’’, singulièrement de la fameuse question de la présidentielle 2016. Dans une prise de position rendue publique par Bishop Antoine Bishamba, son président, le RERC prend le contre-pied de la CENCO et se lance même dans une sorte de diatribe à l’encontre des évêques catholiques. Le RERC se dit surpris totalement de voir les princes de l’Eglise Catholique manquer de patience, ce fruit de l’esprit qui doit caractériser tout chrétien , et parler de révision constitutionnelle ,aussi longtemps que le Chef de l’Etat ne s’est pas officiellement prononcé sur son intention de briguer un troisième mandat, ni sur l’éventualité de toucher au ‘’220’’ en vue d’une quelconque révision constitutionnelle. ‘’L’Eglise doit fonder ses valeurs sur la foi et non sur des rumeurs. Elle doit être patiente. Cette Eglise qui enseigne la patience, quand elle perd ses vertus et la certitude, ce qu'elle est instrumentalisée, juge le RERC. La mission de l’église n’est pas d’agir sur base des préjugés, mais plutôt de prêcher la bonne nouvelle, de véhiculer la paix, en se plaçant au milieu du village. Et ce RERC de verser en des considérations peu amènes sur l’identité de l’Eglise catholique. ’’Est-ce un parti politique ? S’interroge-t-il. Une plateforme ? Ou encore une Eglise ? Kabila n'a encore rien dit, ni dans un sens, ni dans l'autre. Qu’est-ce qu'il a fait pour s'attirer la foudre du peuple congolais ? L’Eglise catholique est une confession de droit étranger, elle est contrainte de défendre les intérêts étrangers… Les catholiques ne sont pas d’origine congolaise. De ce fait, ils obéissent aux ordres de ceux qui les ont établis. Ils ne peuvent pas parler au nom de Congolais parce qu’ils travaillent pour le compte du Vatican’’. Stupéfiant, n’est-ce pas ! Lambert Mende en rajoute une couche Pendant que le spectre sociopolitique s’agite ainsi, pendant que des hommes d’Eglise commencent à s’en prendre à d’autres hommes d’Eglise, avec tous les dangers que peuvent suggérer les débordements dans un domaine aussi délicat que celui de la Foi, et des convictions religieuses, il est ahurissant de noter le silence observé par le principal intéressé. Joseph Kabila se tait. Même à une occasion aussi solennelle que la commémoration de la fête anniversaire de l’accession de la RDC à l’indépendance et à la souveraineté nationale et internationale, une occasion - s’il en fût - pour refaire le pacte national du vivre en commun, scruter l’horizon et redéfinir le cap, Joseph Kabila est demeuré bien aphone sur cette question cruciale qui déchire d’ores et déjà la nation. Pour autant, c’est encore quelques uns de ses lieutenants qui se sont crus en devoir de monter au créneau. En l’occurrence ce sera Lambert Mende Omalanga, le porte-parole du gouvernement, qui va se charger de sonner le tocsin, dans son style si peu commun où le sophisme le dispute au mépris. Reconnaissant aux évêques le droit de s’exprimer et s’en félicitant, lorsqu’ils attribuent de bons points aux avancées du gouvernement dans tel ou tel domaine, Mende renvoie les prélats à leurs bréviaires de profanes et d’incompétents quand ils osent stigmatiser et mettre en garde contre certaines dérives. Il déroule donc : « Nous avons noté que les Evêques catholiques reconnaissent que le gouvernement travaille à bâtir un Congo plus beau qu’avant et à assurer sa grandeur, notamment par « la maîtrise de l’inflation, l’augmentation du taux de croissance, l’assainissement du climat des affaires, l’amélioration des infrastructures, en particulier la construction des écoles, des routes et l’équipement des hôpitaux», autant que par une dynamique positive pour stabiliser le pays, incluant des progrès « enregistrés dans la lutte contre les groupes armés ». Le gouvernement s’en trouve encouragé ». En revanche, il assène : «En proclamant urbi et orbi sa désapprobation de tout mode de scrutin qui priverait le souverain primaire de son droit de désigner ses gouvernants et de participer directement à la gestion de la cité, la Cenco se lance dans un débat politique où elle donne l’impression de croire, à tort, que les options fondamentales relèvent du dogme. Déformation professionnelle peut-être ». Mende enfonce encore le clou : « Croire que la Cenco peut imposer cette opinion à la nation en se substituant au législateur attitré (Assemblée nationale et Sénat) ou à l’administration électorale elle-même (Ceni) qui dispose de tous les paramètres techniques permettant d’apprécier l’efficience des mesures d’application de la loi électorale n’est pas dans l’ordre démocratique des choses ». Il revient à la charge et disqualifie : « Considérer une élection au suffrage universel indirect comme « contraire au principe du suffrage universel» est une grave erreur. Un scrutin indirect reste universel et démocratique. Affirmer le contraire, c’est se tromper soi-même et induire l’opinion en erreur ». Mende poursuit : « Nous devons aussi émettre une réserve de principe face à la désapprobation par les Evêques de « toute sorte d’initiative qui, sans modifier l’Article 220, viserait à le vider de son contenu». C’est la guerre contre les fantômes que nos amis Anglais ont immortalisé dans la formule « fighting with shadows ». De tels procès d’intention qui peuvent paraître de bonne guerre pour une opposition en panne de repères ne correspondent pas à ce que la nation est en droit d’attendre de ceux dont on estime qu’ils doivent rester «au milieu du village ». Ils conduisent à un glissement sémantique pernicieux et dangereux en ce que les Evêques, tout en appelant au respect de la constitution, s’arrogent dans le même temps des pouvoirs constitutionnels qu’ils dénient à raison à d’autres. En effet, la constitution prévoyant elle-même sa révision, hormis l’article 220, interdire aux Congolais d’user de ce droit revient à violer la constitution. » Il en vient enfin à quelques leçons de droit à l’intention des évêques : « Les questions techniques et opérationnelles d’organisation des scrutins relèvent de la compétence exclusive de la Ceni. Autrement, que devient son indépendance à laquelle les évêques eux-mêmes tiennent tant et qui vaut aussi vis-à-vis d’eux-mêmes? Je me permets en outre de questionner la !égalité et la légitimité de cette injonction comminatoire des Evêques aux élus du peuple auxquels il est demandé de « s’abstenir de voter des modifications constitutionnelles susceptibles de rompre un vouloir-vivre collectif et des valeurs fondamentales acceptées par l’ensemble du peuple » alors que la constitution stipule que le mandat des parlementaires n’est pas impératif. C’est à juste titre que le mandat exercé par ses membres revêt un caractère général, libre et irrévocable. Le Député ou le Sénateur, faut-il le rappeler, exerce ce droit dans une assemblée d’élus qui reste un lieu de confrontation des idées et de construction du consensus national. Cette dynamique serait impossible si nos élus étaient réduits au rôle de pantins à la merci des groupes d’intérêt sans avoir la possibilité de conformer leurs points de vue à leur compréhension des enjeux du débat. Il faut, en un mot comme en mille, respecter les dispositions constitutionnelles qui donnent au parlement le pouvoir de se prononcer à une majorité qualifiée sur la modification de certains articles de la loi fondamentale. Nul ne peut lui retirer une telle prérogative. » Profession : Chasseur de démons La sagesse africaine dit : « Soki omoni ndoki, belela ! (Si tu vois un sorcier (fantôme), crie ! ». Joseph Kabila n’a sans doute pas dit qu’il compte briguer un troisième mandat, quitte à tripatouiller la Constitution. Il n’empêche ! Qui mieux que nos prophètes, les évêques, peuvent voir venir ? Si la chose était si claire et si patente selon quoi la prochaine présidentielle interviendra conformément aux dispositions pertinentes de l’actuelle Constitution, que coûte-t-il à Joseph Kabila de dire personnellement, expressis verbis, qu’il ne sera pas candidat à sa propre succession en 2016. Pourquoi joue-t-il le pourrissement ? Alors que le spectre socio-politique s’emballe ! Alors que ses propres hommes disent tout et son contraire en son nom ? Pourquoi Mende se plait-il à alimenter le débat et à s’y investir s’il n’y avait pas débat ni sujet à débat ? Alors, il ne faut pas demander à des gens, comme nos évêques, qui sont des chasseurs de démons par vocation de ne pas agiter le bâton de l’exorcisme alors qu’apparaissent ici et là les fantômes de la révision constitutionnelle visant à octroyer un troisième mandat à Joseph Kabila ! Mais quelle est l’argumentation pour rejeter l’idée d’une révision constitutionnelle violant les dispositions verrouillées de l’article 220 ? Dans leur message pastoral, les évêques catholiques rappellent que ces dispositions Constitutionnelles sont le fruit d’un large consensus pour assurer la stabilité du pays. L’article 220 traduit et protège les options fondamentales relatives : à la nature de l’Etat Congolais qui est une République et non une monarchie ; à la forme de l’Etat Congolais ; à la nature de la démocratie Congolaise qui demeure une démocratie représentative et fondée sur le suffrage Universel ; à la nature du pouvoir politique en RD Congo. Ce pouvoir ne peut être ni personnalisé, ni absolu et non redevable devant personne, c’est – à – dire autocratique et dictatorial. Comme l’affirme l’exposé des motifs de la Constitution, elle- même, ces options fondamentales sont le produit de l’histoire de la RD. Congo et des expériences politiques malheureuses de la 1ère et de la 2ème Républiques. Elles ont pour finalité non seulement de mettre fin à la crise de légitimité des Institutions et de leurs animateurs ainsi qu’aux guerres civiles qui ont jalonné le parcours de la RD. Congo depuis son indépendance, le 30 juin 1960, mais aussi de donner au pays toutes les chances de se reconstruire sur des bases nouvelles et solides. Ces options sont par ailleurs la somme des acquis inaliénables de la lutte par étapes successives du peuple Congolais pour l’indépendance, la liberté et, de manière générale, la démocratie. Voilà pourquoi, in tempore non suspecto, le constituant a rendu ces dispositions intangibles à l’article 220 afin de les « préserver contre les aléas de la vie politique et les révisions intempestives ». Dès lors, soutiennent les évêques, chercher à violer ces dispositions, serait un dangereux précédent sur le long chemin de la paix, de la cohésion nationale et une voie ouverte au règne de l’arbitraire. La question présidentielle est à ce point crucial que les évêques jettent dans la balance tout le poids de leur engagement épiscopal et chrétien. « Considérant les responsabilités qui sont les nôtres dans cette société, nous lançons un appel pressant à toute la classe politique pour ne pas remettre en cause ce compromis fondateur de l’Etat Congolais actuel. Le peuple Congolais ne doit pas être pris en otage par des pratiques politiciennes qui sacrifient l’intérêt supérieur de la Nation », énoncent les prélats. Mieux encore, les évêques font serment de défendre, coûte que coûte, le principe de l’intangibilité de l’article 220 : « Pour un avenir meilleur de la nation, l’Eglise catholique utilisera des moyens appropriés pour sensibiliser la population sur l’importance capitale de cet article verrouillé et défendra les options fondamentales qui sauvegardent notre jeune démocratie et la stabilité du pays ». En d’autres termes, pour les évêques catholique, il doit être entendu dès à présent, et cela sans équivoque, que la présidentielle de 2016 devra marquer l’alternance politique démocratique en République Démocratique du Congo. Joseph Kabila ira-t-il à contre courant? A lui de fixer l’opinion. La question est en train d’empoisonner l’atmosphère. Son silence ne fait qu’en ajouter à la surenchère. Citaf
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