Le viseur/ Dialogue : Pour quoi faire ?

Publié le par cité africaine

D’aucuns le disaient groggy, déboussolé, découragé, dégoûté par l’inculture démocratique de la classe politique congolaise, toute en intransigeances et en surenchères. Mais non, Edem Kodjo ne lâche pas prise, il est toujours là, droit dans ses bottes, tout aussi déterminé à garder le cap du Dialogue politique national inclusif. Dernier obstacle à lever pour la constitution du Comité préparatoire, assurai-il mercredi à l’opinion : la liste de l’opposition que tardait à rendre Etienne Tshisekedi. Le leader historique et tête de file de cette opposition n’arrivait toujours pas, commentait-on, à se défaire du piège dans lequel il s’est lui-même enfermé, en s’octroyant le droit de dire qui est opposant et qui ne l’est pas. Il n’empêche, l’on apprenait hier que cette liste était finalement prête. Ce qui revient à dire que le Dialogue pourra bientôt ouvrir ses portes, au travers de son Comité préparatoire.

Mais, des voix s’élèvent pour prétendre qu’après l’arrêt de la Cour constitutionnelle confirmant Joseph Kabila dans le fauteuil présidentiel au-delà de la fin de son mandat, ce Dialogue est désormais sans objet. D’autres par contre soutiennent que la Cour Constitutionnelle ne s’est en rien substituée au Dialogue, ni ne l’a court-circuité.

Alors, question : Au point où l’on en est, à quoi devrait servir ce Dialogue ?

Ce sera là sans doute la première préoccupation du Comité préparatoire dont la mission est notamment de dégager le projet d’ordre du jour à soumettre à la Plénière du Dialogue. D’ores et déjà, il est indéniable que l’arrêt de la Cour constitutionnelle induit une situation politique que la Constitution n’avait pas réglée à l’avance. Le président en exercice devant continuer à occuper le fauteuil présidentiel en attendant l’installation de son successeur élu, il serait tout à fait indiqué que le Dialogue en vienne à déterminer les modalités politiques de gestion de cette période. L’on sait par exemple que dans l’entendement de l’UDPS, principale partie prenante au forum à côté de la Majorité présidentielle, si l’élection présidentielle n’est pas organisée cette année, ‘’Etienne Tshisekedi serait positionné pour conduire la transition qui s’ouvrirait, en mettant la Constitution entre parenthèses’’. Après l’arrêt de la Cour, cette thèse du parti phare de l’opposition congolaise, maintes fois exprimée par son secrétaire national aux Relations extérieures, paraît comme une aberration pure et simple. Il faudrait être tombé sur la tête pour imaginer un instant qu’un tel rêve pût prendre corps. Mais en plus, envisager même pareille hypothèse, c’est totalement marcher sur le principe cardinal de notre pacte républicain, à savoir : nul ne peut accéder sur le fauteuil du président de la République s’il n’a pas été élu par le peuple congolais. Pour autant, et dans ces conditions justement, il est difficile de penser que le Dialogue ne puisse pas se préoccuper d’établir les équilibres de la gestion du pouvoir, dans un contexte où, précisément, le mandat du peuple n’aura pas été formellement renouvelé aux institutions et à leurs animateurs actuels.

Autre préoccupation devant occuper le Dialogue : déterminer clairement le terme de la période transitoire en attendant l’installation des nouvelles institutions légitimes. Il s’agira donc de trouver un consensus sur le calendrier électoral. D’abord déterminer l’ordre de la tenue de ces élections. Etant donné que l’on est dans une configuration de glissement intégral des institutions, l’on peut concevoir que priorité soit accordée à l’organisation des élections provinciales et sénatoriales, pour régler d’abord les cas les plus anciens de glissement. L’on verrait mal organiser les législatives nationales avant les sénatoriales, alors que c’est depuis 2012 que les sénateurs sont hors mandat. D’autres pourraient en revanche estimer qu’il faille accorder priorité à la présidentielle, car des analystes considèrent de ce point de vue que la situation du chef de l’Etat ne peut pas être calquée simplement sur celle des sénateurs ou députés en fin de mandat. Car, de tous les élus, le chef de l’Etat est le seul dont le mandat est assorti d’une clause de limitation du nombre. Un sénateur ou un député peut se faire réélire autant de fois que le peuple voudra lui faire confiance. Mais le président de la République, une fois son mandat terminé, ne peut se faire réélire qu’une fois, non renouvelable. Pour rester dans cette logique de l’alternance, et en conformité avec la Constitution, il faudrait écourter le plus possible la période de l’attente de l’installation du nouveau président élu.

En réalité, tout ceci est parfaitement gérable, si les politiciens congolais ne se laissent pas aller à des batailles d’égos. En termes de nouveau calendrier, si l’on peut concevoir le nouveau cycle électoral sur une période de deux ans à dater de fin décembre 2016, c’est un délai passable. Ce laps de temps transitoire ne va pas ouvrir la voie à l’apocalypse. Et, l’on aura, tous comptes faits, préservé, à défaut de la lettre, à tout le moins l’esprit de la Constitution, en ce qui concerne le principe de l’alternance au pouvoir.

En toute hypothèse, grâce au Dialogue, l’on peut recadrer les choses, remettre tout bien en perspective, et maintenir le train sur les rails.

Mantha L.

Publié dans citaf

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article